Kay Gabriel est poète et essayiste. Ses recherches portent sur la poésie et la poétique anglophones contemporaines, les études trans, la tragédie, l’adaptation, la réception classique et la traduction. Avec Andrea Abi-Karam, elle a co-édité We Want It All: An Anthology of Radical Trans Poetics (Nightboat, 2020) et elle a publié le recueil de poésie Kissing Other People or the House of Fame (Rosa Press, 2021).
Par Kay GABRIEL —
Par contre, le désir d’un monde où la vie n’est plus aliénée — tel qu’exprimé par le slogan « du pain et des roses » — est, à tout le moins, la demande d’une jouissance pour tou·te·s des types de contingence esthétique que le capital confère aux riches. Ainsi, toute politique véritablement révolutionnaire doit s’orienter vers un avenir radicalement plaisant. Comme le soutient Fredric Jameson, cette orientation recentre nécessairement le corps et ses médiations : « Le plaisir est enfin le consentement de la vie dans le corps, la réconciliation — aussi momentanée soit-elle — avec la nécessité de l’existence physique dans un monde physique ». En ce sens, la revendication de base des personnes transsexuelles, c’est-à-dire celle d’exercer, dans toute la mesure du possible, leur autonomie sur leurs propres relations à la signification de la différence sexuelle, met au premier plan le plaisir en tant que dimension critique des mouvements sociaux. Le but d’une telle politique est de considérer le corps comme un terrain de lutte pour la désaliénation intensive du travail intellectuel et manuel. Cette thèse comporte, quant à elle, une certaine portée déterminée aux politiques abolitionnistes : l’abolition de l’abjection genrée et non — du moins, pas de manière abstraite — de la signification genrée.