Les femmes et la communication numérique : où en sommes-nous?

Par LEOPOLDINA FORTUNATI et AUTUMN EDWARDS
Publié le 6 mars 2023

L’objectif de cet article est d’ancrer l’analyse de la relation entre les femmes et la communication numérique dans une perspective historique, de la développer dans une perspective comparative avec d’autres formes de communication et, enfin, de l’inscrire dans une dimension politique en gardant à l’esprit les trois éléments que nous voulons analyser : le genre, la communication et la technologie. — LF & AE

Notre première thèse est que le passage de la communication en personne à la communication médiatisée sous toutes ses formes a provoqué l’évacuation progressive des individus de la scène communicative. La séparation physique des êtres humains les uns des autres les a affaiblis, vu l’ouverture potentiellement énorme dans l’espace virtuel des relations sociales que ces technologies impliquent. Plus précisément, la séparation corporelle a érodé le pouvoir des personnes en tant que travailleuses, sujets politiques et citoyens et, au bout du compte, a également brisé la dyade humain/machine.

Notre seconde thèse est que les technologies telles que le téléphone fixe, le téléphone portable, l’ordinateur/Internet et le robot ont toutes été conçues d’abord et principalement pour soutenir et faire progresser les utilisateurs masculins et leur ont donné plus de pouvoir dans un domaine — la communication — au sein duquel il n’existait pratiquement plus de différences significatives entre les hommes et les femmes. Pour les femmes, la pénétration de ces technologies dans le corps social a exigé qu’elles entreprennent une démarche longue et fastidieuse afin de reconcevoir et de remodeler ces technologies en fonction de leurs besoins. En fait, les femmes ont joué le rôle le plus important dans la co-construction de ces technologies, mais le processus de domestication par les femmes a impliqué des phases d’exclusion de la société de l’information et de retour progressif en son sein. Les écarts qui existent encore aujourd’hui dans bon nombre de régions du monde en matière d’accès, d’utilisation et de compétences technologiques entre les hommes et les femmes illustrent la difficulté de ce parcours pour ces dernières. L’établissement de plus d’avantages pour les hommes a eu pour effet de reconstruire leur différentiel de pouvoir dans la famille, un pouvoir qui avait auparavant été nivelé par les luttes des différentes vagues du féminisme. Cette inégalité de pouvoir s’est reconstruite à partir de la communication, car c’est toujours le premier terrain de confrontation et de négociation dans la relation homme-femme. Les femmes n’ont évidemment pas accepté passivement la réédification technologique de leur subordination à leur mari/partenaire/père/frère et elles ont essayé de s’approprier ces technologies en les transformant, de technologies de pouvoir en technologies d’autonomisation. Le pouvoir des hommes en tant que groupe social a été réassemblé grâce à ces technologies qui fonctionnent comme des outils de travail reproductif permettant la pénétration directe du capital dans les sphères immatérielles de la reproduction des individus. Les foyers et les espaces intimes de soins ont été machinisés et une autre valeur directe en est maintenant extraite, en plus de la valeur traditionnellement produite par les femmes et incorporée dans la force de travail.

Ilya Sviridov, Factories Collage

Femmes et communication

Outre le genre, le deuxième élément impliqué dans notre analyse est la communication. Il s’agit du principal terrain sur lequel se déroulent l’élaboration et la présentation du soi, la socialisation et les relations sociales (y compris les relations de travail), de même que l’organisation de la vie, et les changements culturels, sociaux, économiques et politiques remodèlent inévitablement la communication. Ces changements sont particulièrement importants pour les femmes, car la communication crée des genres qui, à leur tour, créent la communication.

Le point le plus important est que le débat sur le genre et la communication, en raison de la difficulté d’opérationnaliser la notion de sexe-genre, risque de rester bloqué dans une approche centrée sur les différences entre hommes et femmes sur le plan des opinions, des attitudes et des comportements dans les pratiques de communication. Il est donc nécessaire de générer un cadre analytique capable de répondre à ces préoccupations.  Dans ce cadre, qui est nécessairement à la fois diachronique et synchronique, l’analyse de la relation entre les femmes et la communication ouvre la question de l’agentivité et de la subjectivité des femmes dans les changements sociaux qui ont remodelé cette relation lors du passage de la communication en personne à la communication téléphonique (mobile et fixe), à la communication médiatisée par ordinateur (CMO) et à la communication humain-machine (CHM). Le cadre théorique de référence de cette analyse s’inspire de la longue tradition du marxisme féministe, qui nous aidera à définir la signification historique et sociale de la relation entre le genre, la communication et la technologie.

Dans la sphère domestique, la diffusion des technologies numériques a eu pour implication spécifique de renforcer la division sexuée et racialisée du travail à la maison. Alors qu’elle a conjuré l’enracinement du procès de reproduction individuelle dans la matérialité de la vie, elle a fonctionné comme un mécanisme de privatisation qui a diminué le besoin de sortir de la maison, de parler ou de faire l’amour avec un autre être humain (voir la sexualité de substitution fournie par les robots sexuels) et a légitimé le développement de rapports de domination et de déshumanisation. Dans ce contexte, le processus de séparation d’un individu de l’autre, dont nous avons déjà parlé, représente également une attaque spécifique contre les femmes et la sphère domestique, car la machinisation des individus au niveau de la communication a encore diminué la valeur de la reproduction de la force de travail, qui est historiquement le résultat du procès de travail des femmes. D’une part, les hommes et les femmes deviennent plus facilement contrôlables, d’autre part, surtout, ils sont devenus une source supplémentaire de production de plus-value : en effet, la force de travail n’œuvre plus seulement dans la sphère de la production, mais aussi, et de plus en plus, dans la sphère de la reproduction domestique (bien que les femmes continuent à être l’épine dorsale de cette sphère), créant une énorme quantité de valeur.

Ce processus est particulièrement crucial pour les femmes puisqu’il s’est développé à un moment historique où, après les différentes vagues de féminisme, les femmes ont remodelé les relations de pouvoir entre les sexes pour que celles-ci leur soient plus favorables. Plus précisément, elles ont renforcé leur maîtrise et leur contrôle sur la communication en personne (où, comme nous le verrons plus tard, l’absence de différences entre les hommes et les femmes a été documentée), se sont approprié la communication dans la sphère publique (après des milliers d’années d’exclusion) et ont redéfini les relations de pouvoir intergénérationnelles au sein de la famille en faveur des plus jeunes. Paradoxalement, ce pouvoir que les femmes ont acquis sur le plan communicationnel a été réduit par la diffusion des technologies numériques dans la sphère domestique. Malheureusement, le processus décrit jusqu’à présent n’a pas encore rencontré une résistance solide de la part des femmes, qui ont choisi de privilégier les appareils domestiques qui pouvaient les libérer dans l’immédiat d’une certaine fatigue matérielle, mais aussi de négliger les appareils électroniques et numériques qu’elles percevaient comme plus liés à la dimension du divertissement. Cette stratégie des femmes s’est révélée dangereuse à long terme, compte tenu des rapports de force inégaux au sein de la famille. La compétence des femmes dans l’utilisation des appareils domestiques a fini par être considérée socialement comme un signe de manque de pouvoir, tandis que la compétence des hommes dans l’utilisation des technologies de l’information et de communication (TIC) a renforcé leur pouvoir. Dans ce processus, il s’est produit un changement crucial qui revêt une importance particulière pour la question du genre : l’introduction de l’ordinateur dans la sphère domestique. Plus précisément, grâce à l’ordinateur, la force comparative des femmes dans le domaine de la communication a été réduite, puisque cet artefact a été conçu (encore plus que le téléphone et le portable) principalement par des hommes et pour des hommes (particulièrement les hommes aisés, occidentaux, blancs et jeunes). Par conséquent, les femmes en tant que groupe n’ont pas été des adeptes précoces des technologies numériques et ont eu besoin de plus de temps pour domestiquer et s’approprier ces dispositifs. Parmi les technologies numériques, les femmes ont eu particulièrement de difficulté à s’approprier l’ordinateur, car elles avaient le sentiment que l’ordinateur/Internet ne les servait pas bien.  Nous en apprendrons davantage sur ce sujet dans la section consacrée à la CMO. Pour conclure cette discussion, la différence de genre la plus pertinente qui traverse tous ces domaines de la communication est la suivante : bien qu’elles aient subi avec les hommes une attaque de ces technologies contre leurs identités de travailleuses, de sujets politiques et de citoyennes, les femmes ont également subi une attaque contre leur identité de femmes, ce qui les a rendues plus vulnérables que les hommes.

Ilya Sviridov, Help Me

La communication en personne comme élément de la sphère reproductive

La communication en personne est un processus social dans lequel les individus créent des signifiants en parlant, en se regardant et en s’écoutant les uns les autres. Ce faisant, chaque interlocuteur donne un sens aux attributs et aux traits de l’autre interlocuteur par rapport à lui-même. La visibilité des autres et de leurs performances permet aux communicateurs de faire le point sur les apparences et le comportement des autres, ce qui constitue un élément essentiel de ce processus. La communication est donc intrinsèque aux relations sociales et, en fin de compte, à la façon dont la société se forme.

Historiquement, la présence physique des interlocuteurs créait un contexte dans lequel ils se percevaient comme autolocalisés dans un même environnement spatial et avaient le sentiment de pouvoir interagir avec cet environnement. L’ensemble des recherches sur la communication en personne nous permet de comprendre comment les différentes composantes du sentiment de présence d’une personne, telles que la perception de sa propre localisation, le sentiment de coprésence et les jugements de réalisme social jouent un rôle important dans ce mode de communication. Qui plus est, la notion de cognition incarnée, qui stipule que le corps et le cerveau sont étroitement liés, la cognition étant influencée par les sensations physiques et les actions du corps, montre que la communication en personne offre un potentiel maximal de performance harmonique. Dans le même ordre d’idées, la présence est également une construction psychologique complexe comportant plusieurs dimensions potentielles. Bien qu’elle soit souvent réduite à « être là » [be there], la présence a été conceptualisée en fonction de trois aspects : la présence physique, la présence sociale et la présence à soi, qui sont à leur tour multidimensionnels. Par exemple, la présence physique a été considérée comme la localisation de soi (le fait de se percevoir comme habitant un environnement spatial) et la perception des possibilités d’action (le sentiment que l’on peut interagir avec cet environnement).

La présence sociale est le sentiment d’être là, avec une personne réelle, et se compose de la coprésence, de l’implication psychologique et de l’engagement comportemental. L’un des éléments clés de la présence sociale est la coprésence, qui fait référence à la connexion psychologique et à la proximité vécues avec une autre personne, ainsi qu’à la perception d’une interaction potentielle. Par conséquent, les individus ne font l’expérience de leur pleine humanité, et nous ajouterions de leur pleine socialité, que lorsqu’ils sont confrontés à d’autres humains.

Plusieurs autres éléments, comme la présentation de soi, le rôle du corps humain, la socialité et le travail, sont essentiels pour saisir les changements que la médiation de la technologie a introduits dans la relation entre le genre et la communication. La présentation de soi et la matérialisation du corps humain facilitent la catégorisation sociale (sexe, âge, ethnicité, etc.), soutenant les processus de stéréotypie et de discrimination qui sont les coûts générés par l’information automatique basée sur les catégories. Qui plus est, la présentation du soi matériel dépend, dans certaines limites, de critères de visibilité, d’authenticité et de contrôle réciproque. Une extension pertinente du corps humain est la voix qui, pendant la communication en personne, nous permet de générer une catégorisation sociale et de réguler les comportements sociaux. Tous les indices corporels servent à réduire l’incertitude de la communication en aidant à la formation d’impressions, en affinant la compréhension des interlocuteurs et en prédisant leur état mental et physique. Collectivement, ils aident les communicateurs à gérer leurs conversations et à établir des relations interpersonnelles.

Historiquement, la communication, comme beaucoup d’autres domaines, est façonnée par la structure sociale et sa stratification en classes, fondée sur l’attribution d’un plus grand pouvoir social, politique et économique aux hommes, qui ont la tâche d’arbitrer le pouvoir du capital envers les femmes, les enfants et les personnes âgées. Des facteurs tels que la différence de pouvoir entre les hommes et les femmes, le poids de la construction sociale des identités sexuées et la force des processus de socialisation sexuée, ainsi que les stéréotypes, normes, attentes et performances qui y sont associés, ont tous contribué à générer une relation différente avec la communication de la part des hommes et des femmes en tant que groupes sociaux. Cependant, après les première et deuxième vagues de féminisme, ces différences dans la communication en personne ont été atténuées jusqu’à leur éventuelle disparition. Pour revenir à l’observation que nous avons faite au tout début, plusieurs méta-analyses explorant plusieurs dimensions et variables de la communication ont documenté des différences très faibles ou inexistantes entre les sexes dans le comportement de communication.

Les éléments que nous avons analysés jusqu’à présent, tels que la présentation de soi, le rôle du corps humain, la socialité et le travail, sont également essentiels pour saisir les changements que la médiation de la technologie a introduits dans la relation entre le genre et la communication. Du point de vue de la communication, le corps humain peut être considéré comme une plate-forme complexe qui transmet plusieurs langages, dont le langage non verbal. La voix peut communiquer des émotions en variant le timbre, le ton et le rythme, indépendamment du contenu verbal, et présente l’avantage que ses modalités émotionnelles sont moins contrôlables que les expressions faciales. Les gens s’appuient sur des indices corporels pour se faire une idée et porter un jugement sur leurs interlocuteurs. La socialité elle-même existe dans et par la communication (comment, par exemple, serait-il possible d’accompagner un enfant dans la société sans lui enseigner des compétences de communication?) et, en même temps, elle favorise la communication, car pour être efficace et durer dans le temps, elle doit s’inscrire dans des activités sociales, comme aller avec nos ami·e·s au restaurant ou au cinéma. Nous avons besoin de sortir et de nous déplacer dans des espaces publics pour faire des choses avec d’autres afin de nourrir le processus de communication. La mobilité entre également en jeu, même si une fois que nous avons rejoint notre interlocuteur, le cadre des conversations est généralement sédentaire : nous parlons avec les autres principalement lorsque nous sommes en position assise. Nous pouvons également converser en marchant, mais c’est un contexte plus rare pour la communication en personne. L’« immobilité » qui accompagne la communication devient plus extrême sous l’influence des dispositifs de communication. Enfin, le travail est lié à la communication non seulement parce que les gens ne peuvent pas travailler s’ils ne passent pas par la communication, mais aussi parce que la communication est un travail dans la sphère domestique. Le travail reproductif est constitué de différentes tâches, non seulement le travail matériel, mais aussi l’affect, l’amour, le sexe, le soutien psychologique, le partage des connaissances, le divertissement et l’information, qui sont tous véhiculés dans et par la communication. Ce travail, qui concerne encore beaucoup plus les femmes que les hommes, est la colonne vertébrale de la production de valeur dans la sphère domestique. Le travail de care, ancré dans la communication, est également fondé sur la coopération et l’organisation, car pour construire et maintenir des formes concrètes de sociabilité, nous devons travailler en coordination avec les autres. À la lumière de ces spécifications, il est clair que la sociabilité est un processus qui applique une logique intensifiée : les individus se sentent plus rassurés et sont plus rassurants s’ils peuvent pratiquer l’une des formes de sociabilité avec une autre personne, par le biais de la communication.

Le scénario que nous avons décrit jusqu’à présent, typique de la communication en personne, a été profondément affecté par la diffusion de la technologie numérique, qui est à la fois une source et une conséquence des rapports de genre, et dans laquelle les rapports sociaux (y compris les rapports de genre) sont matérialisés. Dans la section suivante, nous examinerons comment le téléphone fixe et le téléphone portable ont remodelé le genre et, à leur tour, comment ces technologies ont été remodelées par les femmes.

Ilya Sviridov, Second Sketchbook Collages

Les femmes vis-à-vis la communication téléphonique fixe et mobile

Le troisième élément de notre analyse, la technologie, est une source pertinente de changement en soi et de réinvention continue par les utilisateurs et utilisatrices et sert de médiateur à la communication. Ainsi, lorsque nous examinons l’intersection de ces trois éléments — le genre, la communication et la technologie — le moment historique revêt une importance particulière, étant donné leur dynamique structurelle.

Le téléphone a été le premier outil utilisé pour inaugurer les processus de séparation physique des individus les uns des autres et de remise en cause de l’émancipation des femmes. Bien sûr, il a été présenté aux gens dans l’autre sens : comme un appareil capable de réduire la distance entre des individus très éloignés les uns des autres. Ces deux aspects sont vrais, mais le second a été si excitant qu’il a discrètement éclipsé le premier, qui est peut-être le plus pertinent. Si le premier aspect a été considéré comme peu important, c’est peut-être parce qu’à l’époque, la communication en personne était de loin la forme de communication la plus répandue. Une caractéristique importante qui n’a pas été suffisamment soulignée dans le débat est que le téléphone fixe a été introduit dans les foyers comme un appareil familial, soumis à un usage collectif. Le contrat était signé par le chef de famille qui pouvait contrôler le nombre et la durée des appels effectués par chaque membre de la famille puisque la facture était adressée au titulaire du compte. Le fait que l’accès au téléphone reconduit la hiérarchie des rapports de genre a fortement affecté l’accès et l’utilisation de cet outil par les femmes au sein de la famille, mais aussi au niveau social (par exemple, les femmes recevaient un nombre important d’appels abusifs).

La communication téléphonique ne prolongeant qu’une partie du corps humain — la voix — elle fait du corps humain une entité secondaire de l’interlocuteur téléphonique. Le téléphone d’abord, puis toutes les autres technologies numériques ont accru la séparation du corps humain de l’individu communicant avec pour conséquence que la communication a également été séparée en ses parties. D’un processus unitaire, la communication est devenue de plus en plus partielle et une aliénation spécifique dans la sphère de la communication est apparue, même si elle s’accompagnait aussi de la joie profonde de pouvoir dépasser les contraintes spatiales et de parler à des personnes éloignées. La principale caractéristique des nouveaux médias n’est cependant pas la présence des individus à travers les médias, mais leur absence à travers ceux-ci. Dans la communication téléphonique, c’est l’infrastructure physique du corps qui est ignorée dans sa puissance et ses particularités et, parce que le corps est moins adaptable, par exemple que les émotions, il est destiné à être plus inerte. Qui plus est, les utilisateurs et utilisatrices ont l’obligation de s’asseoir sur une chaise dont les possibilités de mouvement sont limitées. Le point essentiel à considérer ici est que les femmes ont simultanément transformé le téléphone en une technologie de sociabilité et de soutien psychologique et, donc, en un outil de travail domestique, mais qu’elles se sont également approprié le téléphone pour s’autonomiser en surmontant leur isolement et leur séparation les unes des autres.  Ce que les médias et le discours social qualifiaient de « bavardage » était en réalité l’élaboration d’une analyse collective par les femmes de leur rôle au sein de la famille et de la société, leurs tâches ménagères, leurs relations intimes et leur avenir, qui était toute aussi importante pour le bien-être national que le flux d’informations commerciales masculin plus visible. Les femmes ont révélé une affinité spécifique avec le téléphone, mais aussi la capacité de réinventer ses utilisateurs et ses usages. Deux questions récurrentes dans le débat général sur le téléphone et le genre ont été : que cet outil soit considéré comme capable (1) de libérer le temps des femmes de déplacements inutiles et (2) de réduire leur solitude, leur isolement, leur insécurité et leur anxiété personnelle. Cependant, l’incompréhension de ce qu’était le travail domestique (un vrai travail!) a cadré le débat public en soulignant que les femmes se distinguaient en tant que bavardes. Dans la presse populaire, de telles preuves ont été accueillies avec désapprobation ou dérision, tandis qu’à la maison, les femmes étaient souvent poussées à se sentir coupables d’avoir trop utilisé le téléphone. En réalité, les femmes étant traditionnellement responsables du maintien des relations familiales et sociales et des transactions commerciales à domicile, elles devaient utiliser cet appareil plus que les hommes.

Le téléphone portable a continué à remettre en question l’autonomisation des femmes et à promouvoir une séparation physique encore plus sévère entre les individus : voyez quand la conversation avec la ou les personnes physiquement présentes et l’attention qui leur est portée passent au second plan lorsqu’un appel téléphonique arrive. Le téléphone portable est le dispositif qui a rendu irrésistible pour les utilisateurs et utilisatrices le fait de vivre « comme si » les interlocuteurs étaient ensemble. La seconde moitié des années 1990 est une période où d’imposantes forces d’individualisation accrue ont rendu la famille moins standardisée et les conditions de vie des femmes plus autonomes. Les moqueries à l’égard des femmes jugées trop bavardes au téléphone ou leur sentiment de culpabilité en raison de ces reproches se sont estompés et les femmes ont été aux premières loges pour remodeler, aux côtés des jeunes, le téléphone portable en un appareil personnel et personnalisé, dont elles pouvaient contrôler l’utilisation et le paiement. Au départ, les hommes étaient plus susceptibles que les femmes d’accéder au téléphone portable et de l’utiliser, mais cet écart a été très vite réduit, voire comblé dans de nombreux pays. Ce remodelage du téléphone portable a donné aux femmes une nouvelle liberté et donc un nouveau pouvoir quant à leurs pratiques de communication. Les femmes ont exercé une influence sur les services, les fonctions et les applications du téléphone portable, ce qui a donné à cet appareil un caractère féminin. La gestion du foyer, l’organisation, les soins, le soutien et l’expression des émotions, la microcoordination, le maternage ou la grand-mère à distance, sont passés par le téléphone portable, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Le point central et politique à souligner est que les femmes ont continué à gommer leurs différences avec les hommes dans l’accès et l’utilisation de cet outil et à s’autonomiser par la propriété et le contrôle de cet outil. Cependant, les femmes n’ont pas été en mesure de contester le processus principal de séparation générale des individus. Plus la similitude et la proximité des femmes et des hommes ont progressé, plus les technologies numériques ont contribué à éloigner chaque individu par rapport à l’autre, érigeant des murs encore plus haut.

Les femmes et la communication médiatisée par ordinateur/Internet (CMO)

La séparation physique des individus les uns des autres a atteint un sommet avec la diffusion de la CMO et s’est à nouveau matérialisée différemment pour les femmes qui ont été soumises à une double attaque : elles étaient, comme tout le monde, séparées les unes des autres par l’ordinateur, mais elles étaient aussi, dans de nombreux cas, séparées de l’ordinateur lui-même. Ce processus a également été exacerbé par le fait que, même si les femmes ont largement contribué au développement des ordinateurs — surtout en programmation —, on les a omises de l’histoire de l’informatique. Une omission qui a contribué à l’absence de modèles féminins qui utilisent des ordinateurs et à la construction de l’image des femmes peu intéressées ou incapables dans ce domaine. Bien que l’ordinateur soit en apparence configuré comme un outil pour « tout le monde », les cultures de fraternité hypermasculines dans la conception informatique ont donné un sens et des usages sexués à cet outil en y incorporant des barrières contre des groupes spécifiques d’utilisateurs et utilisatrices tels que les femmes, les personnes âgées et les personnes handicapées. La culture sexuée et anti-femme a joué un rôle important dans la diffusion de la CMO, car la possession et l’utilisation d’un ordinateur ont reproduit le même schéma que le téléphone fixe. Au début, l’ordinateur était généralement acheté par les hommes chefs de famille, qui payaient également pour son utilisation et sa maintenance. En principe, il pouvait être utilisé par tous les membres de la famille, mais dans la pratique, l’accès à l’ordinateur/Internet et les modes de consommation ont reflété la même structure de pouvoir de la famille et de la société, devenant un dispositif collectif, mais hiérarchique. D’autres facteurs ont rendu l’appropriation de l’ordinateur/Internet par les femmes encore plus difficile : l’acquisition et l’entretien d’un ordinateur nécessitent des ressources financières et son utilisation exige de nombreuses compétences et une alphabétisation préalables qui prennent du temps (le temps supplémentaire n’est pas une ressource dont les femmes disposent généralement).

Un autre élément important qui a joué contre les femmes est que dans ce mode de communication, du moins au début, le corps humain a complètement disparu de la vision de l’interlocuteur. Cela s’est produit encore plus gravement que dans la communication téléphonique, car la voix a également été évacuée d’une grande partie de la CMO dans sa forme initiale, à l’exception de certaines chatrooms et vidéos. L’absence du corps signifie que tous les indices sociaux et non verbaux sont bloqués, ce qui rend plus difficile la gestion d’une communication correcte et, par exemple, l’identification correcte des interlocuteurs, même au niveau du genre. L’environnement informatique a été construit au départ comme un monde écrit et silencieux dans lequel les femmes, qui ont toujours été plus sensibles que les hommes aux signaux sociaux en général, comme l’ont montré bon nombre d’études, et aux signaux non verbaux en particulier, ont été privées de l’utilisation de cette capacité spécifique, acquise par la socialisation et l’apprentissage. Si l’on considère que le message non verbal l’emporte largement sur le message verbal, puisqu’il a 4,3 fois plus de poids dans une estimation populaire, on a une idée du désavantage que cet artefact technologique présente pour les femmes.

Au fil du temps, les gens ont commencé à utiliser les CMO dans toutes les phases de la gestion de leurs relations sociales : formation de nouvelles relations personnelles, maintien des relations existantes et fin des relations. Cependant, la disparition du corps a conduit à des pratiques de conception qui ne se sont pas suffisamment attachées à intégrer les utilisateurs et utilisatrices — et en particulier leur identité — dans le processus de conception. L’absence du corps humain dans le processus de communication a également affecté la présentation de soi, qui est devenue quelque chose avec lequel on pouvait jouer en se représentant par des surnoms et, plus tard, par des avatars.  Les chercheurs et chercheuses ont documenté l’altération de la représentation de soi dans les environnements virtuels et les changements de comportement et de perception qui en découlent (qu’on appelle l’effet Proteus). L’absence de présence ou d’indices sociaux a eu quelques effets positifs mineurs, mais a également contribué à créer des environnements sociaux fondamentalement appauvris, ce qui a joué en particulier contre les femmes qui sont plus vulnérables socialement dans des environnements qu’elles ne contrôlent pas. Qui plus est, dans la communication par ordinateur de table, le corps se doit d’être encore plus stable que dans la communication téléphonique et de n’effectuer que des microgestes sur les claviers et avec la souris. Cette situation n’est pas favorable au corps, car le bien-être est lié au mouvement, et elle a également joué en défaveur des femmes, étant donné que le travail domestique et de soins qui leur incombe de manière disproportionnée implique des déplacements au sein du foyer.

Un autre élément de difficulté pour les femmes vient du fait qu’Internet est une arène publique et que, historiquement, les femmes ont été exclues de la communication publique pour centrer leur vie et leur travail principalement entre les quatre murs de la maison. Cela contribue à expliquer pourquoi, au début de l’histoire de l’Internet, la présence des femmes dans les forums de discussion et de communication en ligne était nettement inférieure à celle des hommes. Les différences entre les sexes dans l’accès et l’utilisation de l’ordinateur/Internet au détriment des femmes ont persisté pendant près de deux décennies, bien que différents types de consommation sexuée sont apparus dans plusieurs contextes comme le courrier électronique et les forums de discussion.

Au fil du temps, l’écart entre les sexes s’est amoindri : par exemple, l’Union internationale des télécommunications (UIT) a signalé qu’en 2017, dans les Amériques où, ce n’est pas un hasard, la parité entre les sexes dans l’enseignement supérieur est plus grande, le pourcentage de femmes utilisant l’Internet est supérieur à celui des hommes. Qui plus est, depuis 2013, l’écart entre les sexes s’est réduit dans la plupart des régions. En revanche, en Afrique, le pourcentage d’utilisation d’internet par les femmes est inférieur de 25 % à celui des hommes et l’écart est encore plus large dans les pays les moins avancés (PMA), où seule une femme sur sept utilise Internet contre un homme sur cinq. Partout, cependant, on constate que l’Internet continue d’être utilisé par les hommes et les femmes à des fins différentes.

Pour conclure cette partie, il convient de noter que la manière dont s’est développé ce débat a occulté la véritable signification socio-économique et politique de l’engagement des femmes (et aussi des hommes) dans ce domaine : le fait que les hommes et les femmes, de plus en plus séparés les uns des autres, contribuent par le biais des CMO à une quantité énorme, même si différente, de travail immatériel et non rémunéré.

Les femmes et la communication avec les machines

Nous arrivons à la dernière partie de notre analyse, qui est consacrée à la communication humain-machine (CHM). Nous examinons dans cette partie comment les processus décrits jusqu’à présent sont davantage radicalisés et articulés par cette nouvelle typologie de communication. L’analyse concerne non seulement la relation que les femmes établissent avec les machines et ses conséquences sociales, mais aussi l’attribution d’un genre aux machines. Pour des raisons de commodité, nous divisons cette section en deux : l’une centrée sur la sexuation de la CHM et l’autre sur le genre des machines.

a) Les femmes et la CHM

Nous arrivons à la dernière partie de notre analyse, qui est consacrée à la communication humain-machine (CHM). Nous examinons dans cette partie comment les processus décrits jusqu’à présent sont davantage radicalisés et articulés par cette nouvelle typologie de communication. L’analyse concerne non seulement la relation que les femmes établissent avec les machines et ses conséquences sociales, mais aussi l’attribution d’un genre aux machines. Pour des raisons de commodité, nous divisons cette section en deux : l’une centrée sur la sexuation de la CHM et l’autre sur le genre des machines.

Si, dans la communication médiatisée par ordinateur, l’individu est séparé des autres par une machine qui sert de médiateur à la communication et qui, en même temps, rapproche et éloigne, dans la CHM, chaque individu est séparé des autres de manière plus radicale. L’« autre » humain disparaît du contexte de la communication, car les individus parlent à une machine qui leur répond. Cette disparition a de graves conséquences pour les humains, car elle signifie qu’ils sont considérés comme superflus par rapport au travail de communication et qu’ils sont soumis à une profonde dévalorisation ; comme nous l’avons dit, ils font l’expérience de leur pleine humanité et de leur socialité lorsqu’ils sont confrontés à d’autres humains. Si chaque individu est dévalorisé par la CHM, les femmes le sont doublement, d’une part en tant qu’individus et d’autre part en tant qu’exécutantes traditionnelles du travail domestique, du soin et de la reproduction, dont l’une des tâches a été d’apprendre aux nouvelles générations à communiquer et à gérer le fil de la communication dans les relations familiales et parentales.

Ilya Sviridov, Second Sketchbook Collages

Lors du passage de la CMC à la CHM, plusieurs éléments de la scène de la communication changent, car, dans le nouveau contexte, les technologies sont conçues comme des sujets communicatifs. Passons en revue les changements structurels les plus pertinents, avant d’essayer de comprendre la relation des femmes avec cette typologie de communication. Par exemple, avec les assistants vocaux (VA, comme Alexa) et les robots sociaux (comme Nao), la présentation de soi par l’interlocuteur humain — une caractéristique fondamentale de la dynamique de l’interaction humain-humain — perd son sens traditionnel. Les humains ne se présentent pas spontanément au robot ; le problème est de savoir comment incorporer au robot toutes les informations concernant ses interlocuteurs qui le rendraient capable de les reconnaître. La matérialité du corps humain n’est que partiellement impliquée dans l’interaction humain-robot (IHR), alors que, dans ce dernier cas, c’est le corps de la machine qui acquiert une grande importance. Chez les assistants virtuels, la voix renvoie à la voix médiatisée du téléphone et de la communication mobile ainsi qu’à la voix automatique enregistrée dans le répondeur qui a entraîné des millions d’utilisateurs et utilisatrices à développer l’habitude de parler à une machine. Dans la communication humain-robot, la communication humaine passe d’un processus relativement spontané à un processus forcé à l’intérieur des chemins automatisés de la conversation que le robot peut effectuer. En outre, le haut degré d’authenticité de la communication en personne auquel les individus sont habitués laisse place à une forme de communication avec les robots basée sur leur capacité à simuler une conversation, ce qui dévalorise et désavantage le sens que les humains donnent à la communication en soi.

L’IA automatise la communication et les processus sociaux connexes plus qu’elle ne les facilite. De plus, l’échange d’émotions dans la CHM a une portée très réduite : les robots peuvent potentiellement reconnaître les émotions des utilisateurs et utilisatrices à partir de leur voix et réagir de manière appropriée, mais ils sont incapables de ressentir et de transmettre des émotions en retour. Alors que la chaleur est l’un des principaux éléments échangés dans les relations sociales, cet aspect devient difficile à gérer pour les robots et, donc, la qualité de la relation sociale qu’ils peuvent offrir en souffre. Par conséquent, une socialité dépourvue d’émotions ne peut être que stéréotypée et automatisée. Par rapport à notre compréhension de l’interaction sociale et du « social », le résultat de l’IRH semble être une forme rudimentaire de socialité, qui restreint fondamentalement les degrés de liberté des interlocuteurs et interlocutrices en chair et en os. Qui plus est, on ne sait pas quelles seront les conséquences de la CHM sur le maintien de notre capacité à interagir avec les êtres humains. La question a été posée à savoir si nous avons la conviction que les déficiences de notre vie sociale en termes de soins et de compagnie peuvent être réparées de manière adéquate grâce à la socialité de base que les robots sociaux peuvent offrir aux femmes, aux enfants et aux personnes âgées ou vivant avec divers degrés de maladie, d’invalidité, etc.

Face à ces caractéristiques fondamentales de la CHM, que nous offrent jusqu’à présent les recherches sur la relation entre les femmes et ce type de communication? La première question qui a été explorée est de savoir si les femmes ont des attitudes plus positives que les hommes à l’égard des robots. Une enquête européenne (N = 26 751) a montré que les hommes avaient une opinion légèrement plus positive que les femmes. Ce résultat peut être compris correctement si l’on tient compte du fait que les femmes ont souvent exprimé moins d’intérêt pour les découvertes scientifiques et le développement technologique que les hommes, car elles étaient conscientes que la science et la technologie ont historiquement été dominées par des savants et des professionnels masculins qui ont façonné ce domaine de la connaissance à leur propre image. D’autres études, cependant, n’ont pas trouvé de différences significatives dans les attitudes exprimées par les hommes et les femmes à l’égard des robots.

La littérature sur le genre et la CHM s’est, jusqu’à présent, concentrée non seulement sur les attitudes et les comportements de genre envers les robots, les chatbots et les assistants virtuels, mais aussi sur le sexe — ou mieux, le genre — des machines, auquel nous consacrons la section suivante. Ces deux approches sont intéressantes et méritent d’être approfondies afin de comprendre leurs implications pour accroître l’autonomisation des femmes dans la société.

b) Le genre des machines

Roberston observe qu’en général, les robots sont sexués malgré l’absence de visibilité des organes génitaux physiques (qui, pour les humains, catalysent souvent les processus d’attribution du genre)1. Des indices visuels minimaux sur l’interface du robot suffisent pour que les gens attribuent un genre aux robots et il existe une tendance générale à percevoir les robots comme des hommes en l’absence d’indice de genre. Les modèles de robots particulièrement anthropomorphes posent la question de leur identité sexuelle, car plus un robot ressemble à un être humain, plus il finit par devenir sexué. Plusieurs recherches ont abordé cet élément. Attribuer un genre à un robot semble d’une certaine manière inévitable : premièrement, parce que la technologie est l’un des moyens par lesquels les humains expriment leur genre et, deuxièmement, parce que si les gens veulent parler aux robots, ils doivent les désigner par un nom (et généralement un nom suscite des attentes quant au genre du robot) et s’ils veulent parler des robots, ils doivent utiliser des pronoms (et ceux-ci sont souvent sexués).

Le véritable problème est que le sexe des robots est affecté par l’ordre culturel du genre, qui est en vigueur dans la plupart des sociétés. Une vision binaire (homme et femme) façonne de nombreuses discussions en robotique, avec, au maximum, l’ajout de l’absence de genre.  La gamme des sexes et des genres chez les humains est beaucoup plus nombreuse et fluide que cela, et la relation entre le sexe et le genre est plus complexe et instable.

Puisque le genre (et l’identité) des femmes, en tant que classe sociale, change au fil du temps, ces changements se reflètent également dans la voix choisie. BMW, par exemple, a dû rappeler une de ses voitures puisque les conducteurs allemands de sexe masculin ne voulaient pas suivre les instructions d’une voix acoustiquement féminine parce qu’elle « était une femme ». Mais quelques années plus tard, dans l’Union européenne, la majorité des navigateurs GPS présentaient des voix féminines.

La voix et l’apparence sexuées d’un robot correspondent souvent au sexe stéréotypé de son rôle professionnel. L’hypothèse de la « correspondance » suggère que lorsque l’apparence du robot correspond à des rôles professionnels stéréotypés, cela peut affecter la volonté des utilisateurs et utilisatrices de se conformer au robot. Cette correspondance peut toutefois alimenter les stéréotypes de genre/profession et renforcer les divisions entre les sexes dans la société humaine.

Remarques en guise de conclusion

Nous espérons que le long voyage que nous avons entrepris pour passer de la communication humaine en personne à la communication humaine médiatisée par la machine en essayant d’exprimer un point de vue féministe nous a permis de jeter les bases pour aborder, avec la profondeur nécessaire, la signification sociale et politique des technologies numériques pour les femmes. Nous souhaitons avoir montré que la diffusion des technologies numériques présente une grave attaque contre la classe ouvrière en général, en divisant de plus en plus les individus entre eux, et spécifiquement contre le pouvoir que les femmes ont acquis dans le domaine de la communication à travers les différentes vagues du mouvement féministe. La diminution du pouvoir des femmes est une étape fondamentale pour que le système du capital puisse commencer une nouvelle extraction de valeur dans la sphère reproductive, en automatisant presque toute la sphère du travail domestique immatériel. Ce discours nous a conduites au cœur des fondements de l’analyse politique féministes.

Ce texte a également été publié en italien dans la revue Machina (DeriveApprodi, 2023). Une version longue a aussi été publiée en anglais dans la revue Human-Machine Communication (vol. 5, 2022).

Les illustrations sont tirées de l’œuvre d’Ilya Sviridov.

NOTE


1. Robertson J. (2010), « Gendering humanoid robots : Robo-sexism in Japan », Body and Society, 16 (2), p. 1-36.↩