Rémunérer le travail reproductif ?

Par MONA MALAK
Publié le 10 avril 2023

Comment répondre à la crise de la reproduction sociale, rendue d’autant plus visible par la crise sanitaire du covid-19 ? Quels sont les enjeux d’un salaire au travail gratuit ? Cette étude propose une lecture critique et féministe de deux revendications, l’allocation universelle et le salaire à vie, afin d’en délimiter la pertinence pour répondre à la crise de la reproduction sociale. Pour ce faire, il s’agira ici d’opérer des détours historiques en ravivant, notamment, les débats autour de la campagne pour un salaire au travail ménager dans les années 1970, afin de mesurer, à la lumière de ces luttes, les antagonismes contemporains autour du travail gratuit. Il sera alors possible de déployer de nouvelles stratégies autant que de penser les ambivalences fondamentales dont ces deux revendications sont traversées. – MM
Les applaudissements pour les soignantes et soignants tous les soirs à 20h1 durant le premier confinement en réponse à la pandémie du covid-19 ont témoigné d’une reconnaissance symbolique des métiers du soin, habituellement dans l’ombre. Cette reconnaissance s’est assez vite étendue à d’autres métiers dits essentiels et on voyait fleurir sur les rebords de fenêtres des pancartes et des banderoles qui disaient « merci », aux soignantes, donc, mais aussi à toutes celles et ceux qui étaient en première ligne, aux caissières, aux couturières bénévoles, aux aide-ménagères, aux enseignantes, toutes ces personnes qui continuaient de travailler pour nous soigner et nous permettre de (sur)vivre. Ces remerciements n’ont pas empêché leurs burn-outs, leurs désertions2 et la précarité grandissante dans laquelle ils et elles se trouvaient, amplifiée par toutes les autres crises qui ont suivi. Les « médailles de l’engagement »3 et les primes covid n’ont pas non plus permis de revaloriser leurs salaires ou de créer de nouveaux lits d’hôpitaux. Au contraire, la situation dans le secteur de la santé continue de se détériorer, et les soignants ont d’abord essuyé les insultes4 après les remerciements, puis, avec l’obligation vaccinale, le mépris5. Bref, une reconnaissance symbolique qui, en définitive, a peu changé leur situation concrète et qui n’a même pas été de très longue durée. Cette crise a néanmoins mis en avant la position centrale, non seulement des soignant·e·s, mais aussi de tous les autres métiers qui ont fait fonctionner la société même quand tout était censé être à l’arrêt. Il y aurait lieu, désormais, d’aller au-delà du symbolique et de réfléchir à comment envisager une réelle reconnaissance matérielle de ce travail humain – qui échapperait à l’automatisation et au télétravail – et essentiel.
Cette étude essayera de montrer en quoi la crise du covid-19, qui a permis d’éclairer celle plus générale de la reproduction sociale, fait renaître des débats autour de la revalorisation des métiers de care ou du travail reproductif et, plus généralement, autour de la reconnaissance et la valorisation du travail gratuit. Les réflexions autour du « monde d’après » (le covid), notamment celles développées dans les sphères féministes, où l’on parle d’un monde qui mettrait le care, le travail utile, le travail reproductif au centre des préoccupations sociales, sont intéressantes à analyser dans ce cadre : s’agit-il de tout détruire pour tout réinventer ou avons-nous déjà à disposition des outils pour construire ce fameux monde d’après ? Pour répondre à cette interrogation, nous proposerons d’évaluer deux revendications qui tentent d’affronter cette problématique d’une revalorisation du travail reproductif, que l’on oppose souvent malgré leurs ressemblances : le revenu universel tel que préconisé par André Gorz et le salaire à vie, ou à la qualification personnelle, défendu par Bernard Friot et plus largement par le Réseau Salariat. Nous tenterons, dans cette perspective, de comparer leur efficacité hypothétique à répondre à la crise de reproduction sociale, ainsi que de mettre en évidence leurs limites et faiblesses, à travers une lecture féministe et critique. Pour ce faire, nous ferons des détours historiques en ravivant, notamment, les débats autour de la campagne pour un salaire au travail ménager, les Wages for Housework (WfH) dans les années 1970.
Dans un premier temps, il nous faudra définir ce que nous entendons par « travail reproductif », ce qui nous permettra, suivant le même geste, de mettre en évidence les éléments nous autorisant à parler d’une crise de la reproduction. Ensuite, nous analyserons les propositions de salaire à vie et de revenu universel à l’aune de la revendication d’un salaire au travail ménager, pour tenter de voir en quoi ceux-ci pourraient répondre à la crise de la reproduction sociale. Enfin, nous proposerons une réflexion autour de l’intérêt stratégique de ces revendications.
Sheng Wang, Ancient Mark

Clés de lecture du travail reproductif

Dans les milieux féministes francophones extra-académiques, plusieurs publications récentes témoignent d’un regain d’intérêt pour la théorie de la reproduction sociale (TRS) : la réédition en 2014 de l’ouvrage de Silvia Federici, Caliban et la sorcière. Corps, femmes et accumulation primitive, la traduction en 2019 de Le féminisme pour les 99% de Cinzia Arruzza, Tithi Bhattacharya et Nancy Fraser, ainsi que la parution, également en 2019, de La révolution féministe d’Aurore Koechlin. Dans le podcast à succès « Un podcast à soi », Charlotte Bienaimé consacre un épisode au care : « Prendre soin, penser en féministes le monde d’après », où elle souhaite rendre hommage et donner la parole aux actrices majeures de la crise sanitaire, creuser la question du soin dans nos sociétés et explorer les pistes utopistes du monde d’après. Enfin, la publication en automne 2022 d’une traduction du livre emblématique de Lise Vogel, Le marxisme et l’oppression des femmes. Vers une théorie unitaire6, paru originalement en 1983, témoigne également de l’envie de faire revivre les théories du féminisme marxiste et de montrer leur pertinence actuelle. Les grèves féministes de la fin des années 20107 ont, quant à elles, constitué des tentatives de mise en application de ces concepts à travers l’organisation de grèves du travail reproductif, afin de montrer sa place et son importance dans la société. Les auteures précitées, autant que ces grévistes, défendent la nécessité de rendre visible le travail reproductif en tant que travail nécessaire à l’entretien et la survie de la population en général, et de la force de travail (au sens marxiste) en particulier. C’est donc le travail dit « non productif » – dans le sens où il ne produirait pas de valeur marchande mais uniquement une valeur d’usage – qui permet aux travailleurs et travailleuses de s’adonner à leur travail productif. Le travail reproductif est genré – c’est-à-dire assigné aux femmes qui auraient des qualités de soin soi-disant naturelles – et avec la mondialisation et la division internationale du travail, il est de plus en plus racialisé et concerne, dans beaucoup de secteurs8, les femmes migrantes et/ou non blanches, et précaires, qui se retrouvent à être des maillons dans les chaines du care9. Koechlin, notamment, propose ainsi de penser le travail reproductif dans la continuité des écrits de Marx, au sein desquels le concept est déjà existant mais sous-théorisé :
Tout le travail des féministes marxistes a justement été de conserver le cadre théorique du Capital en l’amendant, en le développant et en construisant à partir de lui une théorie de l’exploitation des femmes. Dans les sociétés divisées en classes, en particulier sous le mode de production capitaliste, la force de travail est produite et reproduite hors des centres de production, essentiellement dans le cadre de la famille et par les femmes. La reproduction générationnelle de la force de travail est effectuée par le travail de grossesse, d’accouchement et d’éducation des enfants. La reproduction quotidienne de la force de travail est rendue possible par la production de moyens d’existence, mais également par tout un travail additionnel que la tradition féministe a appelé « travail domestique » : préparation des repas, soin de la maison, travail émotionnel, travail sexuel, etc. Cette reproduction quotidienne de la force de travail inclut également celle des travailleurs qui, pour différentes raisons, ne peuvent exercer leur capacité à travailler, comme les enfants, les malades ou les vieilles personnes. Comme le note à juste titre Vogel, la famille est le lieu central mais pas unique de la production et de la reproduction de la force de travail : les cantines, les crèches, les hôpitaux, les écoles remplissent aussi ce rôle. L’ensemble de ces tâches peut être qualifié de travail reproductif10.
Le travail reproductif assigné aux femmes n’est donc pas réalisé exclusivement dans le foyer et pour les membres de la famille. Il est éclaté dans plusieurs sphères et peut être gratuit ou rémunéré, selon les conditions dans lesquelles il est réalisé. On a en effet tendance à penser que le travail reproductif se cantonnerait au foyer alors que le travail productif aurait lieu à l’extérieur, en entreprise. Et ce alors qu’historiquement le foyer a longtemps été un lieu de production marchande qui se serait transformé, avec le capitalisme, en lieu de non-travail. Or, le travail reproductif dépasse la sphère du domicile, tout en y restant symboliquement lié, et c’est précisément cet imaginaire du foyer comme lieu de non-production et de tâches naturalisées effectuées par les femmes qui permet, de facto, la continuité de la dévaluation du travail féminin en dehors du foyer.
Pour mieux comprendre son étendue et ses caractéristiques, nous proposons de reprendre la lecture des théoriciennes Jeanne Neton et Maya Gonzalez, qui montrent la difficulté actuelle de classer le travail reproductif dans une seule et unique sphère, celle du foyer11. Elles soutiennent que les couples conceptuels public/privé, payé/non payé et productif/non productif sont insuffisants et imprécis pour rendre compte des nuances qui existent dans le travail de reproduction. Concernant la distinction entre les sphères de production et de reproduction, les autrices donnent l’exemple du ménage et de la cuisine pour comprendre comment certaines activités peuvent appartenir à l’une ou l’autre sphère et être « payées en tant que services »12 sur le marché, si elles ne sont pas réalisées gratuitement, par et pour le ménage. Il est dès lors, selon elles, plus pertinent de penser les activités de reproduction sociale à partir de leurs rapports au marché, et proposent de distinguer deux sphères13 : « la sphère médiatisée directement par le marché (MDM) », où on retrouvera par exemple les travailleuses dans les sociétés de nettoyage, soumises aux lois et aux exigences du capital et « la sphère médiatisée indirectement par le marché (MIM) », qui concerne les services publics et une part du secteur non marchand et où l’on retrouve notamment les crèches, les hôpitaux et l’école. Sur la distinction entre activité salariée et non salariée (qu’elles préfèrent à la distinction entre payé et non payé), elles ajoutent que certaines activités MIM peuvent être à la fois salariées et non salariées. On aurait donc la sphère MDM qui est salariée, la sphère MIM salariée (services publics et « travail improductif »), et la sphère MIM non salariée. Au lieu de parler de travail domestique gratuit, Neton et Gonzalez parleront plutôt d’activités MIM non salariées, et non créatrices de valeur. En effet, ces dernières définissent « le travail, dans son opposition au non-travail, comme une activité qui est validée socialement en tant que telle, à cause de sa fonction spécifique, son caractère social particulier dans un mode de production donné »14.
Cette approche permet donc de comprendre l’étendue du travail reproductif, qui dépasse largement la question du travail domestique et qui, bien que leur étant assigné, ne concerne pas que les femmes, mais la société toute entière. La féministe Helen Hester, se basant sur les catégorisations de travail MDM et MIM, préfère quant à elle parler des « trois P » du travail reproductif : « le travail reproductif […] est privatisé (médiatisé directement par le marché), public (salarié et médiatisé indirectement par le marché), ou personnel (non salarié et médiatisé indirectement par le marché) »15. Par souci de clarté, nous emploierons pour notre part les trois P de Hester pour faire référence aux différents types de travail reproductif.
Sheng Wang, Yellow Lights Illusion
Maintenant que nous disposons de quelques clés théoriques pour mieux appréhender le travail reproductif, passons aux éléments caractérisant la crise de ce même travail, ou « crise du care »16, qui touche notamment les sphères publiques et personnelles décrites ci-dessus. En effet, nous assistons aujourd’hui à ce que de nombreuses sociologues appellent une crise de la reproduction sociale17, ou crise du care18. Dans l’ouvrage collectif Le travail entre public, privé et intime. Comparaisons et enjeux internationaux du care, les auteures résument la crise du care de la manière suivante :
D’un côté une augmentation de la longévité, en général, et des vies marquées par de sérieux handicaps, en particulier ; de l’autre côté, un effritement des formes de prises en charge familiales et gratuites par les femmes, du fait de leur présence croissante sur le marché du travail et sans doute d’une prise de conscience féministe contestant le coût personnel de l’abnégation envers les proches. Cette crise a fait apparaître la carence ou la pénurie de care comme un problème public, déplaçant les frontières entre le privé et le politique19.
Ainsi, ce sont les femmes, en premier lieu, qui subissent les conséquences de cette crise, puis les personnes dépendantes (les enfants, les personnes âgées, les personnes vulnérables, etc.). Cette crise résulte également d’un désinvestissement public qui, en faisant des économies sur le dos des femmes, peut amortir les effets d’autres crises économiques – nous y reviendrons plus loin. C’est, enfin, une crise de la solidarité, à partir du moment où on individualise et on renvoie aux individus la charge des personnes vulnérables d’une société, au lieu d’effectuer une prise en charge collective et solidaire.
Pour reprendre les catégories proposées par Hester, on peut dire que les personnes qui peuvent se le permettre passent du travail reproductif personnel au travail reproductif privé, et donc par le marché, notamment en ce qui concerne le travail domestique. En d’autres termes, les personnes qui doivent travailler davantage d’heures salariées délèguent leur travail domestique au marché privé. Celles qui, en revanche, n’ont pas les ressources nécessaires doivent cumuler travail salarié et travail reproductif non salarié, à défaut d’avoir un approvisionnement public suffisant ou, autrement dit, du travail reproductif public salarié et indirectement médiatisé par le marché. On assiste ainsi à une personnalisation et à une privatisation croissante du travail reproductif, là où le public s’en désinvestit progressivement pour faire des économies et laisse la place au marché qui, avec l’aide d’une main d’œuvre peu coûteuse, résultant de la division internationale du travail reproductif, permet d’atténuer les effets de la crise sur les classes moyennes20.

Un déni politique : quand les femmes payent plus cher les crises

Après avoir décrit le phénomène de crise de la reproduction, donnons davantage de concrétude à ce phénomène en évoquant deux contextes francophones actuels : celui de la Belgique et, plus brièvement, celui du Québec. Dans le cas de la Belgique, nous observons une accentuation « paradoxale » de cette crise de la reproduction alors même que sa prise en charge collective s’est révélée absolument indispensable pendant la pandémie. Au lieu de revaloriser les métiers de soins et de reproduction, le gouvernement belge ne fait aujourd’hui que réduire les moyens qui leur sont accordés, précarisant davantage les travailleurs et travailleuses de ces secteurs. Ceci n’a bien entendu de cesse de provoquer des réactions de la part de ces dernier·ère·s, qui ne restent pas silencieux·ses. « Depuis 2 ans, l’enseignement est dit essentiel, qu’on nous le prouve ! » : tel est le slogan qu’on a, par exemple, pu retrouver à certaines manifestations des enseignant·e·s en Belgique cette année, démontrant un ras-le-bol des déclarations creuses et réclamant des actes concrets. En 2022, les travailleur·euse·s de l’enseignement ont entamé cinq actions nationales dans tous les coins du pays, réclamant plus de moyens pour travailler correctement20. Le collectif « École en lutte », présent à la manifestation du 13 octobre 202222, réclame entre autres « moins d’élèves par classe », « plus de personnel » et la « gratuité totale de l’enseignement »23. « Qui prendra soin de nos enfants ? » sont en train de se demander les parents néerlandophones qui doivent gérer les pénuries de personnel dans le secteur de l’accueil de la petite enfance24 et tous les risques que cela peut engendrer25.
Le relai politique de cette crainte se voit, quant à lui, ridiculisé. Lors d’une assemblée parlementaire, la ministre flamande du PVDA – section néerlandophone du PTB26 –, Lise Vandecasteele, explique que si l’on ne refinance pas urgemment le secteur de l’accueil de la petite enfance, ce sont les mères qui vont devoir faire des sacrifices professionnels et assumer le rôle auquel elles sont assignées socialement, en rappelant que : « Lorsqu’une crèche ferme, ce sont les enfants et les mères qui en paient le prix»27. Elle se voit rétorquer par la présidente de l’assemblée, Liesbeth Hoemans, membre de la NVA28, qu’« il y a la plupart du temps deux parents, et qu’il existe aussi quelque chose comme un père »29. Cette réaction a suscité rires et applaudissements de la part de l’assemblée30. Lorsqu’on sait que les familles monoparentales représentent une part croissante des ménages belges et lorsqu’on connaît la répartition du travail de soins dans les familles hétéroparentales, la réponse de la parlementaire NVA semble d’autant plus déconnectée de la réalité qu’elle illustre les priorités d’une personne qui gagne environ 23 000 euros bruts par mois31. Les menaces sur les congés parentaux32, quant à elles, participeraient de ce même mouvement de recul et empireraient les conséquences des autres mesures précitées.
Finalement, toutes ces mesures et ces économies ne feront que renvoyer les femmes dans le foyer et institutionnaliser cette place. Ainsi, accepter ces coupes budgétaires revient à accepter que l’État fasse des économies sur le dos des plus précaires. La même tendance semble se dessiner également outre-Atlantique, où Camille Robert, doctorante en Histoire, dresse le bilan de la gestion du covid-19 au Québec et montre comment les femmes et leurs préoccupations sont complètement passées à la trappe, tout en les conduisant à assumer un travail supplémentaire sans presque aucun soutien financier :
Mais rien pour compenser les revenus perdus par les femmes qui ont dû s’improviser enseignantes, soignantes et éducatrices du jour au lendemain. Rien pour soutenir les femmes qui ont tenu à bout de bras les foyers pendant la pandémie. C’est dire comment le gouvernement caquiste tient pour acquis le travail invisible des femmes, assumant qu’elles seront toujours là pour soigner, éduquer, nourrir, nettoyer ou écouter, quelles que soient les conditions et malgré tous les sacrifices, car elles ne laisseront pas tomber leurs proches33.
Elle conclut en rappelant que ce sont toujours les femmes qui payeront plus cher les crises et qu’à ce titre, il est temps aujourd’hui de considérer toute relance économique à l’aune du care :
Les crises des dernières décennies ont toujours servi de prétexte pour, au nom de l’ « équilibre budgétaire», sabrer dans les programmes sociaux et les services publics, avec des conséquences majeures pour les femmes. Il faut maintenant rompre le cycle de violences néolibérales et miser sur une relance qui place le care en son centre. Non seulement pour les femmes, mais pour l’avenir que nous voulons34.
Sheng Wang, Aovid Touching

Un détour par le passé : héritage de la campagne pour un salaire au travail ménager

Nous avons vu que la crise de la reproduction concerne en premier lieu les femmes et qu’elle nous oblige à repenser nos façons de faire société et à reconsidérer le rôle du travail reproductif dans le système capitaliste. Nous considérons que la question du salaire est essentielle pour réfléchir à la problématique posée et nous essayerons, dans ce qui suit, de montrer comment les luttes passées éclairent la stratégie des luttes présentes pour renverser certaines tendances néfastes de la crise du travail reproductif.
Nous avons évoqué le travail reproductif rémunéré, mais qu’en est-il du travail reproductif gratuit, ou travail reproductif personnel? Ne relevant ni du marché (MDM ou TR privé), ni de l’État (MIM ou TR public), celui-ci se traduit généralement par le travail domestique. Nous faisons l’hypothèse que le fait de rémunérer ce travail pourrait avoir une répercussion sur le travail reproductif rémunéré, le revalorisant dans le secteur public et privé et améliorant les conditions de son exercice. Le travail domestique gratuit, s’il est rémunéré, pourrait alors ne plus être une variable d’ajustement pour le marché et pour l’État. Et il en irait potentiellement de même concernant la rémunération de tout travail gratuit par un revenu universel ou un salaire à vie. Toutefois, pour mieux comprendre les apports et les arguments des conceptions en faveur de la rémunération du travail gratuit, nous proposons de faire un détour historique par la revendication d’un salaire ménager dans la campagne Wages for Housework et les réflexions stratégiques qu’elle soulève dans la conjoncture actuelle.
C’est à contre-courant des débats autour du travail domestique, de sa répartition inégale et de son assignation aux femmes qu’a été lancé un mouvement pour demander la rémunération de ce travail domestique gratuit. La proposition de Wages for Housework (WfH) a été revendiquée par le Collectif féministe international (CFI)35 dans les années 1970 et a fait l’objet de critiques virulentes autant chez les détracteurs du féminisme qu’au sein du mouvement lui-même. Cette revendication n’a jamais été une fin en soi, mais plutôt un outil de subversion du travail domestique et un moyen de le rendre visible36. C’est précisément la raison pour laquelle il nous semble que cette lutte pour un salaire ménager est porteuse de leçons précieuses pour les mouvements actuels. Ceci est confirmé par la réactualisation des débats autour de cette lutte37, et ce de manière plus prononcée depuis la crise sanitaire38. Un des intérêts majeurs de cette lutte était de rendre visible l’invisible et d’unir des femmes autour d’une condition similaire, celle de ménagère – sans tomber dans l’illusion que les ouvrières migrantes vivent les mêmes réalités que les femmes blanches de classe moyenne. On pourrait dire que la lutte des WfH était, à sa manière, intersectionnelle avant son temps : des collectifs autonomes s’y sont constitués selon diverses appartenances, réunis par cette condition commune de ménagère – « All women are housewives »39 disait Mariarosa Della Costa. Cependant, le mouvement a dépassé les frontières du foyer et s’est installé partout où l’on pouvait trouver du travail reproductif non payé : en effet, cette revendication a été portée et défendue dans tous les lieux du travail reproductif40.
Malgré sa courte durée, ce mouvement a constitué un foisonnement de réflexions stratégiques et d’expérimentations de la solidarité et de la lutte féministe et est encore aujourd’hui l’objet de malentendus et d’incompréhensions41.Parmi les nombreuses critiques qui ont été formulées à son égard42, on retrouve celle de renvoyer, d’institutionnaliser et de concrétiser la place des femmes au foyer, répondant ainsi aux projets les plus réactionnaires. Ce serait également une manière de faire entrer le capitalisme dans l’espace intime et personnel, de rendre marchand ce qui a priori ne l’est pas. Or, précisément, il nous semble que le capitalisme se trouve déjà dans le foyer et dans l’intime puisque c’est le lieu clé (mais pas unique) de la reproduction sur laquelle repose le capital.
Il est intéressant de noter et de s’attarder un instant sur le fait que des critiques similaires sont formulées à l’égard d’un autre mouvement qui a réclamé un salaire, cette fois étudiant, et plus précisément pour les stagiaires : le mouvement pour la rémunération des stages, lancé par les Comités Unitaires sur le Travail Etudiant (CUTE), au Québec, qui s’inscrivaient dans la lignée du mouvement des WfH43.
Les CUTE luttaient pour la rémunération des stages étudiants, qu’ils considéraient comme étant la face visible du travail étudiant gratuit. Se rendant compte du fait que les stages non rémunérés au Québec se concentrent dans les secteurs féminisés, c’est-à-dire là où se trouve le travail reproductif (les domaines de la santé, de l’éducation, du travail social, de la culture, etc.), les militant·e·s des CUTE assument très vite le positionnement féministe de leur lutte et affirment que « la grève des stages est une grève des femmes »44. L’organisation d’une grève des stagiaires à l’automne 2018 dans un grand nombre d’établissements universitaires et de formation au Québec a permis d’obtenir des avancées concrètes45 et a été source d’inspiration à l’international. En effet, cette période riche en mobilisations a fait parler d’elle dans les pays d’Europe francophones, et l’organisation de rencontres avec des syndicats étudiants alternatifs a permis de consolider et faire revivre la revendication d’un salaire étudiant46. Or, cette revendication ne date pas d’hier, puisqu’elle a failli faire l’objet d’une loi à l’assemblée française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale47 ! La revendication a également été défendue aux États-Unis, dans les années 1970, avec la campagne Wages for Students du collectif Zerowork48.
Malgré cette expansion de la problématique, la critique de la marchandisation a surtout été portée à l’encontre du mouvement des Wages for Students et le mouvement des CUTE. Cela témoigne à notre sens d’une peur d’introduire un salaire dans des lieux tenus pour être non marchands, tels que le foyer et l’université, et donc un refus de voir les rapports de domination, notamment marchands, qui pourtant les traversent et sont générateurs de conflits. À cette critique fondée sur le risque de la marchandisation, George Caffentzis, ancien militant des Wages for Students, répond que la marchandisation est un processus déjà en cours et qu’un salaire permettrait, au contraire, d’en contrôler les dégâts :
Il faut reconnaître que le système capitaliste est déjà engagé dans le néolibéralisme, et qu’il a pour principe la commercialisation éventuelle et la marchandisation de tous les aspects de la vie, du corps et de l’âme. D’ailleurs, le salaire n’est pas un simple échange d’argent pour un montant déterminé à partir de la valeur du travail (mesurée par le temps de travail requis pour sa reproduction). […] Premièrement, le produit du travail (labor commodity) est plus « métaphysique », puisqu’il cache la plus-value que le capitaliste s’approprie en raison de la relation de pouvoir entre lui/elle et le travailleur ou la travailleuse. Comme Cox et Federici l’ont souligné il y a longtemps : « […] le salaire n’est pas seulement un peu d’argent, mais l’expression fondamentale du rapport de force entre le capital et la classe ouvrière ». Deuxièmement, et c’est la raison pour laquelle Wages for Students n’est pas un « contrat de productivité » (i.e. comme si une augmentation des salaires signifierait une augmentation concomitante de la productivité), l’objectif politique d’une telle campagne est de montrer comment, quand et où l’exploitation se produit, même si elle est invisibilisée par l’absence de relation salariale49.
En fin de compte, les critiques adressées à tous les mouvements qui revendiquent un salaire, ou une reconnaissance en tant que travail malgré l’existence d’une transaction marchande (comme le travail du sexe par exemple) tournent autour de l’aspect moral et de la création (ou non) de valeur. À celles et ceux qui disent qu’il ne faudrait pas tout salarier, Caffentzis répond, en resituant la problématique morale dans le contexte de la lutte des classes :
Quoi qu’il en soit, la question centrale de cette idée est la suivante : qui doit décider quel travail doit être fait dans la société capitaliste pour obtenir un salaire ? Qui (ou quels intérêts) fixe la morale dans cette rationalité argumentative ? Dans l’histoire du capitalisme, ces réponses ont toujours été redéfinies au travers des luttes entre les classes et à l’intérieur de celles-ci50.
Pour Caffentzis, la création de la valeur est une question éminemment politique, incarnant un enjeu de taille de tous les mouvements ouvriers :

Les capitalistes ont toujours le souci d’indiquer aux travailleuses et aux travailleurs que leur travail est sans valeur ou peu productif, et qu’en ce sens, il mérite peu ou pas de salaire. Ils nous « prédisent » continuellement que les machines remplaceront le travail humain dans une décennie, un demi-siècle ou un siècle… afin de dévaluer le travail exécuté dans le présent. Ils maintiennent ce rituel pour une raison très simple : affaiblir les exigences salariales des travailleuses et travailleurs tout en les menaçant d’être remplacé·e·s, au mieux maintenant, sinon bientôt. En ce sens, les travailleuses et les travailleurs ont découvert il y a longtemps que le meilleur moyen de déterminer la valeur de leur force de travail (ce que les capitalistes achètent avec un salaire) est de la refuser collectivement en s’adressant à la classe capitaliste51.

Le refus collectif du travail, ou la grève, permet donc de voir ou de rendre visible le travail invisible. C’est également ce qu’a fait le confinement, d’une certaine manière, lorsque la menace d’une grève des soignant·e·s semblait avoir plus de poids que jamais. La portée d’une grève étudiante sur l’économie ne se ferait peut-être pas aussi vite sentir, mais que deviendraient une université, une haute école ou autre lieu de formation sans les personnes qui y sont pour apprendre, se former et co-construire des savoirs ?
C’est dans la continuité des enjeux posés par ces mouvements que l’on peut comprendre les lignes stratégiques des revendications pour le salaire au travail gratuit de ces dernières années – revendications qui occupent légèrement plus de place dans le paysage militant que des luttes plus défensives. Aurélien Casta analyse les similitudes entre les différents mouvements pour un salaire étudiant – celui des années 1940 en France et celui des années 2010 au Canada – dans le but de « revenir sur des points d’accord possibles qui pourraient être creusés à l’avenir par les collectifs et organisations défendant le principe du salaire étudiant »52. Il insiste notamment sur la volonté de ces deux mouvements « de faire des personnes en formation des acteurs et actrices économiques légitimes »53 et sur leur vision du salaire comme étant « le nœud d’un ou de plusieurs rapports de pouvoir et (…) un enjeu central de mobilisation »54.
Aujourd’hui, le mouvement des WfH peut être vu comme un premier pas pour défendre la revendication d’un revenu universel, les arguments des WfH pouvant être considérés comme les prémisses de la défense d’un revenu inconditionnel, individuel et universel. En effet, la politologue Almaz Zelleke55 explique que la revendication d’un salaire au travail ménager remplit déjà deux de ces conditions, à savoir l’inconditionnalité et l’individualisation. De plus, elle reconnaît la portée universalisante d’un salaire au travail ménager, revendication qui voulait unir toutes les femmes derrière l’identité de ménagère, englobant celles qui le sont réellement au quotidien, mais aussi celles qui y sont assignées symboliquement, à travers les attentes sociétales. Or, une étape est encore nécessaire pour rendre la revendication réellement universalisable : l’appliquer, au-delà des ménagères, à tous les sans-salaire. Ainsi, Zelleke préconise l’extension d’un salaire au travail ménager à tout le monde, non pas comme une fin en soi, mais comme la première étape pour mettre fin au capitalisme patriarcal56. Federici elle-même fait allusion à cette continuité imaginable entre salaire au travail ménager et revenu universel :
Nous envisagions le « salaire au travail ménager » comme un début, pas comme une fin. Aujourd’hui, il n’y a pas de mouvement pour un « salaire au travail ménager », mais il en existe un pour un revenu universel, ce qui montre que la question de la « reproduction » est toujours centrale57.
Voyons dès à présent comment justifier cette extension d’un salaire au travail ménager à un salaire au travail gratuit, quel qu’il soit, pour tous les sans-salaire.

Tout travail mérite salaire ?

Le constat de l’expansion contemporaine du travail gratuit, voire d’une gratuitisation du travail, parfois reconnue et encouragée par l’État58, pose donc – nous l’avons vu – l’inévitable question de sa rémunération. C’est une chose de reconnaître et de qualifier une activité comme relevant du travail et de pouvoir quantifier sa valeur économique, c’en est une autre que de lui accorder un salaire. Il s’agirait potentiellement de devoir justifier ce salaire, au-delà de l’affirmation principielle que « tout travail mérite salaire ». Cette justification peut être analysée d’un point de vue purement économique : puisqu’une activité crée de la valeur et de la richesse, alors il faudrait rémunérer la force de travail qui a permis de la créer. Il est également possible par exemple de chiffrer l’apport du travail domestique non rémunéré au PIB, même si le calcul diffère selon les critères retenus. Un autre exemple est celui des journalistes pigistes bénévoles du Huffington Post qui, suite à la vente du journal par Arianna Huffington pour une somme exorbitante, réclament une part de la vente en affirmant que leur travail bénévole a permis l’enrichissement du journal et qu’ils avaient donc droit à une part du gâteau59. La question de la justice sociale revient beaucoup dans les débats sur le revenu inconditionnel, notamment quand se pose la question d’identifier qui a droit à un revenu et pour quel travail60. La crainte principale qui est exprimée, dans le cas de tout revenu ou salaire inconditionnel, est celle du non-travail et donc du parasitisme potentiel de certain·e·s61.
Nous allons voir à présent en quoi les réflexions précédentes sur le travail reproductif, la crise de la reproduction sociale et le travail gratuit sont prolongées par Gorz et Friot et comment elles sont éclairées de manière neuve par une relecture féministe de ces deux auteurs. Il s’agit principalement d’exposer la revendication du revenu inconditionnel telle que pensée par André Gorz ainsi que la revendication d’un salaire à vie, ou salaire à la qualification personnelle, telle que défendu par Bernard Friot et le Réseau Salariat. Ces propositions sont-elles suffisantes pour répondre à la crise de la reproduction sociale ? À quelles réflexions faudrait-il les coupler ? Quelles sont leurs implications ? Quelles sont leurs limites et faiblesses ?

a) Un revenu universel

Commençons par André Gorz. Nous trouvons l’évolution de sa pensée intéressante à différents égards. Ce philosophe écosocialiste commence par prôner une réduction du temps de travail (RTT)62, une augmentation des activités autonomes et un revenu d’existence « conçu comme la rémunération – soit en avance, soit différée – de la participation de chaque citoyen au processus social de production »63. Il détaille sa pensée sur la RTT dans Métamorphoses du travail. Quête du sens. Critique de la raison économique64 en 1988, quand le constat majeur était celui d’un chômage massif, avec une répartition inéquitable du travail ; les avancées techniques pouvant et devant, selon lui, permettre une meilleure répartition du travail pour toutes et tous et la possibilité de passer de périodes d’activité à des périodes d’inactivité sans perte de sécurité. Ce point-ci est intéressant en ce qui concerne la réalité actuelle des femmes sur le marché de l’emploi, souvent cantonnées aux temps partiels, moins protecteurs, et encore victimes de discrimination en lien avec la maternité. Par ailleurs, Gorz établit une distinction entre la sphère économique et capitaliste et la sphère des activités autonomes (où on retrouve le travail reproductif personnel – ou travail domestique gratuit – mais aussi les sphères artistiques et intellectuelles). Le travail salarié fait donc partie de la sphère économique. Son but, avec l’instauration d’un revenu d’existence (RE), couplé avec « des politiques adaptées en matière d’éducation, de formation, d’urbanisme et d’aménagement du territoire ainsi que d’une fiscalité repensée », est « d’avancer vers une société moins organisée autour du travail salarié »65.
Par la suite, Gorz change de position sur le revenu d’existence « en réponse à deux mutations majeures du travail : la dégradation continue du rapport salarial ainsi que l’impact de la révolution numérique » 66. Il en vient à défendre alors un revenu inconditionnel suffisant, permettant d’aller « vers une société de culture et non plus de travail, celle d’un temps libre chargé de sens, dans laquelle chacun pourrait s’activer et non travailler »67. Il voit alors le travail comme une « dimension de la citoyenneté » devant, à terme, contribuer à la communisation des ressources nécessaires à la reproduction collective. Ainsi, «[p]ensée jusqu’au bout de ses implications, l’allocation universelle d’un revenu social suffisant équivaut à une mise en commun des richesses socialement produites »68.
Gorz est conscient du fait qu’il existe des versions du revenu d’existence qui sont de droite et met en garde contre le risque de précariser davantage l’emploi avec un revenu trop bas. En effet, « un revenu d’existence très bas est, en fait, une subvention aux employeurs »69. C’est une des raisons pour lesquelles la droite défend une certaine forme de revenu universel70. Il critique également le système de workfare qui conditionne l’accès aux allocations sociales à un travail jugé nécessaire et payé une somme dérisoire :
L’allocation à tout citoyen d’un revenu social suffisant relève d’une logique inverse : elle ne vise plus à contraindre les allocataires à accepter n’importe quel travail à n’importe quelle condition, mais à les affranchir des contraintes du marché du travail. Le revenu social de base doit leur permettre de refuser le travail et les conditions de travail « indignes » ; et il doit se situer dans un environnement social qui permette à chacun d’arbitrer en permanence entre la valeur d’usage de son temps et sa valeur d’échange : c’est-à-dire entre les « utilités » qu’il peut acheter en vendant du temps de travail et celles qu’il peut produire par l’autovalorisation de ce temps.
L’allocation universelle d’un revenu suffisant ne doit pas être comprise comme une forme d’assistance, ni même de protection sociale, plaçant les individus dans la dépendance de l’État-providence. Il faut la comprendre au contraire comme le type même de ce qu’Anthony Giddens appelle une « politique générative » (generative policy). Elle doit donner aux individus des moyens accrus de se prendre en charge, des pouvoirs accrus sur leur vie et leurs conditions de vie71.
Ceci est une version parmi d’autres du revenu d’existence, aussi appelé revenu universel, allocation universelle, etc. Il en existe d’autres, avec des modes de financement et des objectifs variés72.
L’approche anti-work de Gorz est résolument décroissante et anti-productiviste. Mais est-elle réellement féministe et, à ce titre, susceptible de fournir une piste de réponse aux problématiques que nous avons rencontrées dans notre évaluation de la question du travail gratuit ? Manon Legrand étudie les arguments en faveur et en défaveur de cette revendication pour les femmes73, que nous exposerons brièvement ici. Le revenu universel est beaucoup discuté et débattu dans les milieux féministes. Il permet de poser la question du temps libéré et de la possibilité de naviguer entre emploi et non-emploi sans conséquences drastiques. Certaines avancent l’hypothèse que des femmes qui disposeraient d’une plus grande autonomie financière pourraient quitter plus facilement des situations de violence ou de soumission et vivre autrement74.. Une critique qu’on lui adresse est la même que celle faite au salaire ménager, à savoir le risque de garder ou de renvoyer les femmes au foyer. Une autre crainte porte sur le passage non automatique entre l’existence d’un revenu universel et la meilleure répartition du travail domestique et reproductif au sens large, sans impact sur la revalorisation dudit travail. Cécile De Wandeler, (responsable du bureau d’étude de Vie Féminine), citée par Manon Legrand, précise à ce propos que :
Dans l’état actuel des choses, l’AU [ndA : allocation universelle] ne libérera pas les femmes de l’emprise des tâches de soin aux autres – la « division sexuelle du travail » – et je ne vois pas en quoi cela va revaloriser ces tâches. Le changement dans cette matière doit davantage se faire sur les mentalités et sur l’organisation du travail de soin en dehors du privé. Or l’AU va surtout valoriser le travail de soin fait dans le privé ! 75.
Nous estimons, pour notre part, que le revenu universel couplé à la RTT permettrait de dégager du temps et d’apporter une sécurité pour la mise en place d’infrastructures nécessaires à la reproduction biologique et sociale de la vie. Encore faudrait-il rendre effective cette application, et rien ne garantit que ce soit fait.
Enfin, que pouvons-nous dire de son potentiel de transformation sociale ? Selon Françoise Gollain : « [tandis] que le RE [ndA : revenu d’existence] reste par lui-même immanent au capitalisme, il faut néanmoins le revendiquer dans une perspective qui transcende le système»76. Pour certains, comme Van Parijs, membre ou fondateur du BIEN77, le revenu universel est la voie capitaliste vers un monde communiste78. D’autres, enfin, comme Mateo Alaluf et Daniel Zamora, estiment que c’est une revendication réformiste voire contre-révolutionnaire, et que son application affaiblirait les systèmes de protection sociale en place et permettrait de diminuer davantage les dépenses publiques79.
Ils soulignent également le côté individualiste d’une telle revendication :
[L]e fait que l’allocation soit payée en espèces se rapporte au principe suivant lequel chacun doit faire ses propres choix et que l’individu est toujours mieux placé pour savoir ce qui est bon pour lui. Il vaut donc toujours mieux privilégier les choix individuels plutôt que des services collectifs. […] L’émancipation individuelle et collective sera fonction de droits et non d’une somme monétaire attribuée à chacun. Les services publics, c’est-à-dire les droits à la santé, à l’éducation, à la mobilité, au logement, au travail, dans cette perspective, primeront l’octroi d’une allocation80.
Nous partageons ces réserves. Alaluf, dans un article sur le « monde d’après »81, appelle à une mise en garde faisant suite à la crise sanitaire : tout n’est pas à réinventer. Il existe des institutions potentiellement révolutionnaires mais qu’il s’agit aujourd’hui de rafraîchir, notamment celle de la sécurité sociale, qu’il faudrait défendre et renforcer au lieu de s’aventurer à imaginer de nouveaux dispositifs moins performants, voire contre-productifs, comme le revenu universel82. Partir de quelque chose qui est « déjà-là », à savoir la sécurité sociale, c’est précisément le projet de Bernard Friot. Nous allons désormais nous y attarder pour faire un examen critique de sa revendication phare, le salaire à vie, et voir si celle-ci peut apporter des réponses à la crise de la reproduction.

b) Un salaire à vie

On oppose souvent le projet d’allocation universelle à celui du salaire à vie, les points de dissidence principaux étant le financement, le rôle des acteurs sociaux et les outils nécessaires pour assurer la transition. Friot part de choses qui sont « déjà-là » : la sécurité sociale, qu’il s’agirait d’agrandir et d’étendre. Partant du principe que nous sommes toutes et tous des travailleur·euse·s, produisant de la valeur, il s’agirait d’avoir droit à un salaire à vie, inconditionnel, à partir de l’accès à la majorité. Ce salaire fonctionnerait de façon similaire aux systèmes de pension et de fonctionnariat. De ce dernier, il retient les grades – le salaire étant déterminé par la qualification personnelle et non par l’emploi occupé – et le système d’échelons : il y aurait une échelle de salaire de 1 à 4, réduisant ainsi les grands écarts salariaux, sans pour autant les supprimer. Le salaire minimal serait de 1500€ et le salaire maximum serait de 6000€83.
Sheng Wang, Peaceful & Darkness
Ce projet permettrait de visibiliser et de qualifier de travail tout ce qui est réalisé dans la sphère personnelle, par celles et ceux à qui on a ôté le pouvoir économique : les sans-salaire, les femmes au foyer, les personnes à la retraite, les chômeur·euse·s de longue durée, etc. Un salaire, à la différence d’une allocation, met en évidence un rapport de subordination, et constitue un levier de pouvoir, comme l’avaient déjà pensé les féministes des WfH. Le projet de Friot est d’étendre l’apport des travailleurs et des travailleuses à la caisse de la sécurité sociale, et d’« assécher » le capital à travers des subventions et des investissements qui ne seraient pas remboursés84. Le capital laisserait donc la place aux travailleurs et travailleuses, qui auraient la propriété de leurs moyens de production.
Des salaires corrects pour toutes et tous, avec un salaire qui commence à 1500€, permettraient de revaloriser le travail reproductif public, et de supprimer le travail reproductif privé. En effet, au vu de la précarité des travailleuses qui y sont impliquées, certains secteurs, comme celui des titres-services, pourraient disparaitre s’il y avait des salaires corrects : il n’y aurait plus d’avantage financier à déléguer un travail que l’on est capable de réaliser soi-même, en ayant de surcroît plus de contrôle sur son temps et ses conditions de travail. Tout le travail reproductif deviendrait donc soit personnel, soit public. La prise en charge des infrastructures de reproduction sociale pourrait être gérée entièrement par les travailleuses elles-mêmes :
L’enjeu de la construction du communisme, c’est-à-dire de la responsabilité des travailleurs sur la production, est que nous devenions propriétaires de nos outils de travail et en capacité de décider de l’investissement, de ce qui va être produit, des collectifs de production, des accords internationaux nécessaires85.
Finalement, la différence entre ces deux revendications relève plutôt de la conception philosophique ou anthropologique du travail : renvoie-t-il à une identité de travailleur·euse ou à celle de citoyen·ne ? Quoi qu’il en soit, et quelle que soit la revendication retenue, il y a quelque chose à saisir dans cet engouement pour un salaire, dans cette idée que c’est quelque chose qui nous revient et qui nous appartient. Cette visibilité, ce sentiment d’exploitation grandissant rendu visible par la relation salariale sont à saisir comme des opportunités pour porter des luttes vers davantage d’égalité sociale.

Conclusion

Nous avons tenté, à travers cette étude, non seulement de montrer l’étendue du travail reproductif et sa place essentielle dans la société, mais aussi de montrer l’importance de commencer par le travail reproductif pour penser le reste. Le travail reproductif, qu’il soit personnel, privé ou public, est structurellement assigné aux femmes. Lorsqu’il est rémunéré, il est souvent exercé par des femmes migrantes et précaires. Sans ce travail, il aurait été impossible de survivre à la crise sanitaire, et c’est avec cette crise que l’on a vu la discordance entre intérêt social et reconnaissance matérielle. Le travail reproductif, c’est aussi souvent du travail gratuit, et cet aspect non rémunéré est primordial. C’est à partir de là qu’a été pensée la revendication des WfH, dont nous avons souligné les apports et les limites. Cette revendication des années 1970, si elle devait s’étendre aujourd’hui à l’ensemble des travailleurs et des travailleuses, pourrait prendre la forme d’une allocation universelle ou d’un salaire à vie. L’allocation universelle telle que préconisée par Gorz permettrait de séparer la sphère productive d’une sphère hors emploi, et de rendre le travail productif moins central, afin de s’adonner à des activités plus utiles et émancipatoires. Le salaire à vie ou à la qualification personnelle, en posant tout le monde comme producteur et productrice, étendrait le salariat et sa force de frappe potentielle. La sécurité financière, qui ne dépendrait plus de l’emploi mais de la qualification personnelle, permettrait aux femmes, et aux hommes, de prendre en charge leurs responsabilités domestiques et familiales sans crainte. À ce niveau-là, nous pouvons trouver des ressemblances avec l’allocation universelle. Même si cette dernière permettrait de cumuler deux revenus et de créer deux sphères de vie : une de travail, et l’autre du non-travail86. Avec un salaire à vie, tout est travail, mais surtout, il n’importe plus d’établir une distinction entre travail et non-travail, puisque, quelque part, les deux tendent de plus en plus à se confondre87.
Au lieu d’être des producteurs dans le modèle friotiste, les gens seraient premièrement citoyens dans le modèle de Gorz. Mais ces deux revendications, d’un point de vue féministe, restent assez limitées. À plusieurs égards, elles répondent aux enjeux posés par la crise de la reproduction sociale et aux revendications du mouvement pour un salaire telles qu’elles ont été défendues dans les luttes passées et telles qu’elles sont reprises dans les luttes plus contemporaines. Mais en les évaluant d’un point de vue féministe et critique, elles montrent aussi des faiblesses.
Il est possible que leur impact le plus considérable soit celui de permettre aux personnes le souhaitant ou y étant contraintes de se maintenir un salaire sans dépendre du marché de l’emploi, et de pouvoir ainsi continuer de prendre soin, de nourrir et globalement s’occuper de leurs proches dépendants. Ce serait une première étape pour dénaturaliser – ou dégenrer – les métiers du soin, de résoudre la question des congés de parentalité, le problème des temps partiels, la question de l’individualisation des droits, etc. En somme, un ensemble de problématiques qui concernent en premier lieu les femmes. Mais ça ne résout que partiellement la question de la collectivisation du travail de reproduction et de l’abolition, ou plutôt, de la recomposition de la famille. Dans ces deux modèles, les femmes ont certes plus de pouvoir politique, mais une part de la problématique reste laissée au hasard. Est-ce pertinent, d’un point de vue féministe, de revendiquer une allocation universelle ou un salaire à vie, pour résoudre la crise de la reproduction ? Nous estimons qu’il y a un risque d’individualisation de ce problème, et que c’est faire le pari que les personnes, au lieu de s’organiser, se contentent de leur salaire pour s’en sortir individuellement. Malgré ce risque, il nous semble néanmoins nécessaire d’agir sur le plan économique, et de réclamer toujours plus d’argent, que ce soit sous la forme d’augmentation des salaires et des allocations sociales de tous types, ou de l’instauration d’un salaire au travail gratuit. Après tout, nous produisons toutes et tous de la valeur, et nous sommes en droit de la récupérer.
Quelle que soit la position défendue, il faudrait d’abord inclure ces problématiques dans nos espaces de réflexion politiques, associatifs, militants et syndicaux non seulement comme étant féministes, mais aussi comme concernant toute la classe travailleuse. Les reléguer au rang de « questions de femmes », c’est en faire encore et toujours des problèmes secondaires, qui viendront après la mise en place d’autres projets. Or, nous proposons, humblement, que ces questions soient centrales dans nos sociétés et que toutes nos revendications soient pensées à partir de la reproduction. Enfin, nous l’avons vu, le renvoi, en temps de crise, du travail reproductif public dans la sphère personnelle (et/ou familiale), individualise le problème et fragilise celles et ceux qui sont déjà précaires et dont la situation familiale peut être source d’oppression. Et si l’on ravivait une autre revendication, celle de l’abolition de la famille, défendue par Marx et Engels au 19e siècle, et revendiquée aujourd’hui dans les mouvements queers88, où la recomposition familiale et les prises de distance avec la famille biologique sont fréquentes ? La résolution de la crise du travail reproductif pourrait-elle passer par un salaire pour collectiviser le travail reproductif pour ensuite abolir (ou étendre, reconstruire, recomposer) la famille ?
Sheng Wang, The Gates
Cet article fait partie du numéro Travail reproductif: enjeux de valorisation de la revue Permanences critiques (no 6, hiver 2022-2023). Les illustrations sont tirées de l’œuvre de Sheng Wang.

NOTES


 

1. « Coronavirus en Belgique : des citoyens applaudissent le personnel soignant depuis leurs balcons », RTBF, 18/03/2020.

2. Voir l’analyse des membres de la Revue Ouvrage paru dans le même numéro de Permanences critiques. 

3. « Coronavirus : «Nous on ne demande pas de médaille, on demande juste des moyens pour faire notre travail», déclare le collectif inter-hôpitaux », FranceInfo, 14/05/2020.

4. Voir « «Salope, on t’aura au tournant»: un an après les applaudissements, le personnel soignant est insulté », RTBF, 23/04/2021.

5. Dans un article d’Alter Echos sur l’obligation vaccinale des professionnels du soin en Belgique à partir du 1er avril 2022, les soignants expliquent les limites et les dangers de cette mesure, vécue comme du mépris  du gouvernement envers les travailleurs et travailleurs de la santé : « Denis Huart, lui aussi infirmier, n’est pas contre la vaccination, mais la manière utilisée par le gouvernement pour mettre en place l’obligation le hérisse au plus haut point : Vu la conjoncture, on ne peut pas se passer de collègues. Les pouvoirs publics doivent prendre des mesures moins coercitives, et plus pédagogiques. Il y a une forme d’infantilisation dans cette obligation. Après tout ce qu’on a donné en heures sup’ pendant la pandémie, après les pénuries de masques, de blouses, les morts en maisons de repos, on vient dire ‘Vous n’êtes plus aptes à soigner’. C’est du mépris”.» Voir: https://www.alterechos.be/des-soignants-toujours-divises-face-a-lobligation-vaccinale/ .

6. Vogel Lise, Le marxisme et l’oppression des femmes. Vers une théorie unitaire, Paris, Les éditions sociales, 2022.

7. Collectif Ni Una Menos, « Comment s’est tissé l’appel à la Grève Internationale de Femmes ? », Contretemps, Revue de Critique Communiste, 7 mars 2017.

8. Dont notamment les plus dévalorisés comme celui du travail domestique et du nettoyage.

9. Hochschild Arlie Russell, « Global care chains and emotional surplus value.» in Will Hutton et Anthony Giddens (éds.), On the edge: Living with global capitalism. Londres, Jonathon Cape, 2000.

10. Koechlin Aurore, La révolution féministe, Paris, Amsterdam, 2019, pp. 97-98.

11. Gonzalez Maya et Neton Jeanne, Logique du genre, Paris,  Sans Soleil, Collection V, 2022, pp. 60-66.

12. Ibid,, p.66.

13. « Il est important d’ajouter que ces sphères ne sont pas conçues comme des espaces, mais au contraire comme des concepts qui acquièrent une matérialité, de la même façon que Marx parle de deux sphères séparées de la production et de la circulation. » Ibid, p.60.

14. Ibid,  p.75.

15. Hester Helen, « The crisis of social reproduction and the end of work » dans BBVA, The Age of Perplexity: Rethinking the World We Knew, 2018. Notre traduction.

16. Notons que nous utiliserons parfois les concepts de care et de reproduction sociale de manière interchangeable mais il est important de garder à l’esprit qu’ils ne recouvrent pas tout à fait les mêmes phénomènes. Voir « Notes sur la reproduction sociale », Acta Zone,  sur l’intérêt politique d’employer le terme de reproduction sociale plutôt que celui de care.

17. Della Costa Maria, Federici Silvia, Toupin Louise, Crise de la reproduction sociale. Entretiens avec Louise Toupin, Montréal, éditions Remue-Ménage, 2020.

18. Selon les théoriciennes Bérénice Fisher et Joan Tronto, le care « comprend tout ce que nous faisons pour perpétuer et réparer ‘notre’ monde » Voir : Tronto Joan, Un monde vulnérable. Pour une politique du care,1993, trad. Hervé Maury, Paris, La Découverte, 2009.

19. Damamme Aurélie, Hirata Helena, Molinier Pascale, Le travail entre public, privé et intime. Comparaisons et enjeux internationaux du care, Paris, L’Harmattan, 2017, p.5.

20. Koechlin Aurore, La révolution féministe, op.cit, pp. 106-110. 

21. « Les enseignants à nouveau dans la rue », Le Soir, 12/10/2022.

22. « Manifestations des enseignants: 10.000 professeurs défilent dans les rues de Namur », Le Soir, 13/10/2022.

23. Revendication du collectif « École en lutte » pour la grève du 13/10/2022: https://www.facebook.com/photo?fbid=484875653693043&set=a.473326954847913

24. « Des crèches néerlandophones forcées de fermer partiellement à Bruxelles, faute de personnel », RTBF, 12/09/2022

25. « Flandre: trop d’enfants dans les crèches lors d’une inspection sur 5 », Le Soir, 10/06/2022, et « Décès d’un bébé de 6 mois: la crèche où l’enfant a été secoué avait fait l’objet de 30 plaintes », Le Soir, 07/03/2022.

26. Le PTB est le Parti du Travail de Belgique.

27. « Crèches en crise : les élus flamands totalement déconnectés de la réalité », DaarDaar, 05/10/2022.

28. N-VA = La Nieuw-Vlaamse Alliantie ou N-VA (Nouvelle Alliance flamande).

29. « Parlement flamand: le Bureau élargi examinera une réplique controversée de Liesbeth Homans », La Libre, 05/10/2022.

30. Pour voir les deux interventions.

31. « Crèches en crise : les élus flamands totalement déconnectés de la réalité », op cit.

32. « Menace sur les congés parentaux : «Ce serait un énorme recul si ces congés devaient être rabotés» », Trends Tendances Le Vif, 10/10/2022.

33. Robert Camille, « Gouverner en ignorant les femmes : bilan en trois tableaux » dans Revue Ouvrage, 27/09/2022.

34. Ibid.

35. Le CFI est un « réseau transnational fait de groupes locaux autonomes, fondé en Italie par une vingtaine de militantes (parmi les plus célèbres, Mariarosa Dalla Costa, Selma James et Silvia Federici) et actif entre 1972 et 1977 aux États-Unis, en Angleterre, en Italie, en Allemagne, au Canada et en Suisse. ». Source : Aristizabal Arango Laura & Roussaux Manon, « Féminisme et travail de soin » dans Quel État social-écologique au XXI siècle ?, Hors-série n°29, de la revue Politique, Novembre 2020, p181. Voir aussi Toupin Louise, Le salaire au travail ménager : chronique d’une lutte féministe internationale (1972-1977), Les éditions du remue-ménage, 2014.

36. « Aux origines du capitalisme patriarcal. Entretien avec Silvia Federici », Contretemps, 02/03/2014.

37. Voir par exemple : Toupin Louise, Le salaire au travail ménager. Chronique d’une lutte féministe internationale (1972-1977), Montréal, les Éditions du remue-ménage, 2014 ; Hirtz Natalia, « Le salaire ménager, une revendication datée pour un débat d’actualité » dans la revue Mouvements n°4 «Gagner nos vies», juin 2021 ; Robert Camille,  « Le salaire au travail ménager : Réflexion critique sur une lutte oubliée », Possibles, Vol. 38, No.1, été 2014, pp.13-26 ; Malak Mona, « Le salaire au travail ménager : de l’intérêt de déterrer un combat oublié » dans Revue Ouvrage, 31/10/2022. 

38. Aristizabal Arango Laura & Roussaux Manon, « Féminisme et travail de soin », op cit.

39. Traduction : toutes les femmes sont des ménagères. Dalla Costa Mariarosa, « Women and the subversion of Community », dans Della Costa Mariarosa et James Selma, The power of women and the subversion of the community, Bristol, Falling Wall Press, 1972, pp. 21-56.

40. Toupin Louise, Le salaire au travail ménager. Chronique d’une lutte féministe internationale (1972-1977), op.cit., pp.201-202.

41. « La perspective du salaire au travail ménager fut une école de pensée tout à fait originale du début de la deuxième vague féministe en Occident, et une boîte à outils pour l’action. Elle était bien davantage que ce qu’elle fut accusée d’être, soit une simple revendication monétaire, partielle et réformiste, voire réactionnaire, qui allait à l’encontre de l’objectif de l’égalité des femmes dans la société. », Toupin Louise, Le salaire au travail ménager. Chronique d’une lutte féministe internationale (1972-1977), op cit, p.311.

42. Pour un aperçu rapide des critiques, voir : Ibid,  pp.17-18.

43. Voir : Louise Toupin, « Les luttes des CUTE sont filles du mouvement du salaire au travail ménager » dans Grève des stages, grève des femmes. Anthologie d’une lutte féministe pour un salaire étudiant (2016-2019), les éditions du remue-ménage, 2021, p.105.

44. Poirier Amélie et Tremblay-Fournier Camille, « La grève des stages est une grève des femmes », Françoise Stéréo, 23/05/2017.

45. Voir « La grève et son bilan » dans Collectif, Grève des stages, grève des femmes. Anthologie d’une lutte féministe pour un salaire étudiant (2016-2019), les éditions du remue-ménage, 2021, pp.267-358. Cet ouvrage document toute la mobilisation pour un salaire étudiant et plus spécifiquement pour la rémunération de tous les stages. 

46. Voir le communiqué commun de trois syndicats étudiants belge, suisse et français (respectivement, l’Union syndicale étudiante, SUD Etudiant-es et Précaires et Solidaires Etudiant-es), « Un appel européen pour un salaire étudiant ». 

47. Casta Aurélien « En 1951, l’Assemblée faillit adopter le salaire étudiant », Le Monde Diplomatique, Janvier 2021, pp. 12-13. Pour aller plus loin, voir Casta Aurélien, Un salaire étudiant, La dispute, 2017. 

48. http://zerowork.org/WagesForStudents.html.

49. Berthiaume Annabelle, « Salaire critique. Sur la rémunération des stages et le salaire étudiant avec George Caffentzis », Histoire Engagée, 13/11/2018.

50. Ibid.

51. Ibid.

52. Casta Aurélien, « Les mouvements pour un salaire étudiant », À babord.

53. Ibid.

54. Ibid.

55. Zelleke Almaz. « Wages for Housework: The Marxist-Feminist Case for Basic Income. » Política y Sociedad, vol. 59, no. 2, 2022.

56. Ibid, p.12.

57. Federici Silvia, « Du “salaire au travail ménager”  à la politique des communs », Texte traduit de l’anglais par Hélène Windish, Maud Simonet. Dans Travail, genre et sociétés, 2021/2 (n° 46), pp. 9. 

58. Simonet Maud, Travail gratuit : la nouvelle exploitation ?, Paris, Textuel, 2018. 

59. Ibid, pp. 99-111.

60. Voir Langis George  « Allocation universelle et justice sociale », Les Cahiers de droit, 37(4), 1996.

61. En réponse aux critiques sur l’inconditionnalité, Gorz dit que : «  (…) si l’on veut que l’allocation universelle serve au développement d’activités bénévoles, artistiques, culturelles, d’entraide, etc., il faut alors que l’allocation universelle soit garantie inconditionnellement à tous. Car seule son inconditionnalité pourra préserver l’inconditionnalité des activités qui n’ont tout leur sens que si elles sont accomplies pour elles-mêmes ».

62. Voir l’analyse des membres de la Revue Ouvrage sur la question du temps de travail.

63. Gollain Françoise. « André Gorz, vers l’inconditionnalité du revenu », L’Économie politique, vol. 67, no. 3, 2015, p. 52.

64. Gorz André, Métamorphoses du travail. Quête du sens. Critique de la raison économique. Paris,  Galilée, 1988.

65. Gollain Françoise, « André Gorz, vers l’inconditionnalité du revenu », op.cit, p.52.

66. Ibid, p.54.

67. Ibid, p.58.

68. Gorz André, Misères du présent, richesse du possible, Paris, Galilée.1997, p. 148.

69. Ibid, p.136.

70. Voir : Sadowski Jason, « Why Silicon Valley is embracing universal basic income », The Guardian, 22/06/2016. 

71. Gorz André « Pour un revenu inconditionnel suffisant » dans Transversales- Science & Culture, n° 3, 3e trimestre 2002.

72. Voir par exemple : https://laviedesidees.fr/Comment-financer-le-revenu-universel.html.

73. https://www.axellemag.be/lallocation-universelle-piege-femmes/. 

74. Comme l’idée d’un revenu d’autonomie, revendiqué par les militantes du collectif italien Non Una di Meno. Voir: Collectif, «“Non Una di Meno” : les féministes italiennes vers la grève transnationale du 8 mars », Contretemps, 27 février 2017.

75. Legrand Manon « L’allocation universelle, un piège pour les femmes ? », Axelle Magazine, n°194, pp.14-19, Décembre 2016.

76. Gollain Françoise, « André Gorz, vers l’inconditionnalité du revenu », op.cit. p.60.

77. Basic Income Earth Network. Site : https://basicincome.org/.

78. Alaluf Mateo et Zamora Daniel, Contre l’allocation universelle, Montréal, Lux Éditeur, 2016, p.107.

79. Ibid, pp.106-110.

80. Ibid, pp.108-110.

81. Alaluf Mateo, « Les mirages du Corona : “ Là où le balai ne passe pas, la poussière ne s’en va pas d’elle-même” dans Quel État social-écologique au XXI siècle ?, Hors-série n°29, de la revue Politique, Novembre 2020, pp.172-179.

82. Ibid.

83. « Cette hiérarchie se base sur plusieurs critères, dont le diplôme, mais pas seulement. La pénibilité, la responsabilité, l’expérience souhaitée, etc. entrent également en compte » Friot Bernard interviewé par Darcheville Léopold dans « Interview de Bernard Friot “Le salaire doit être un droit politique” », Revue Démocratie, 1/12/2017. Pour aller plus loin et comprendre les tenants et aboutissants de la revendication d’un salaire à vie, voir : Friot Bernard, L’enjeu du salaire, Paris, La Dispute, 2012.

84. Darcheville Léopold, op.cit.

85. « Bernard Friot : La gauche est inaudible parce qu’elle ne politise pas le travail », entretien pour la Revue Ballast, 13/06/2019.

86. Voir : Simonet Maud, « Le revenu universel à l’épreuve du travail bénévole des femmes », dans Travail, genre et sociétés, 2018/2 (n°40).

87. Les situations de télétravail étant intéressantes à analyser à cet égard, et illustrent bien ce point. Voir : https://www.lesoir.be/441029/article/2022-05-10/la-maison-comme-bureau-relance-le-debat-entre-travail-remunere-et-non-remunere.

88. O’Brien ME, « Abolir la famille – Acte I », dans Trou Noir, n°9, 28/11/2020.

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