12 Oct Une gang de tu-seuls : télétravail et dystopie pandémique
Par ETIENNE SIMARD
Publié le 12 octobre 2020
La crise sanitaire a précipité la généralisation du télétravail à domicile dans bon nombre de secteurs. S’il présente une situation privilégiée face aux risques de contagion ainsi que des avantages non négligeables en termes de flexibilité, il attaque aussi nos capacités d’auto-organisation en milieux de travail et contribue à moyens termes à la détérioration de nos conditions de vie. D’abord en faisant éclater les collectifs de travail déjà mal en point, ensuite en nous dépossédant d’espaces de réflexion théorique et pratique nécessaire à la prise de contrôle sur toutes les dimensions des luttes pour l’amélioration et la transformation de la vie. En recourant aux théories de la reproduction sociale, au concept de l’usine sociale, aux considérations sur les conditions matérielles nécessaires à l’écriture et, surtout, grâce aux témoignages de plusieurs mes collègues, j’expose les réflexions que m’a inspiré l’expérience du télétravail durant le confinement. — E.S.
Il aura fallu une pandémie mondiale pour me mettre au télétravail. Cela faisait un moment que des collègues et moi-même résistions à son déploiement dans l’ensemble de la fonction publique, en ne participant pas au projet pilote mis en oeuvre au sein de notre petite unité administrative. Les raisons du refus étaient variées : une appréhension des risques de surveillance et d’invasion du domicile, une anticipation du surtravail, une crainte de l’enfermement et, surtout, une envie de passer à autre chose une fois la journée terminée.
Mais les choses se sont précipitées. Dès le lendemain de la déclaration d’état d’urgence sanitaire, on pouvait lire et entendre dans les médias que la crise à venir serait une occasion pour le Québec de rattraper son retard en matière de travail à distance. À ma job, des collègues ont réclamé de pouvoir travailler de la maison, certain·e·s refusant même de rentrer, la peur au ventre, peu importe les conséquences. Et leur stratégie a porté fruit : en moins d’une semaine, dans plusieurs unités administratives, lorsque c’était possible, à peu près tous les postes ont été convertis au télétravail. En certains endroits, l’employeur a équipé vite fait l’ensemble du personnel qui ne l’était pas encore; ailleurs on nous a demandé d’utiliser notre propre matériel. Il s’en est trouvé pour se plaindre d’être mal installé·e·s et de devoir assumer des coûts pour les connexions internet et téléphonique (je plaide coupable). Mais le confinement semblait être une mesure raisonnable dans le contexte — à peu près tout le monde s’entendait là-dessus.
Sauf que le télétravail était là pour rester. Dans la fonction publique, après un peu plus d’un mois de confinement, on apprenait sans surprise qu’il ferait partie d’une restructuration permanente de l’organisation du travail. Même son de cloche du côté des grandes entreprises privées. Alors que le travail à distance était volontaire ou marginal avant la crise, il serait désormais obligatoire. Ainsi, on pouvait lire dans le Journal de Québec que « si les conséquences négatives de la pandémie apparaissent évidentes, un des côtés positifs de la crise aura probablement été de pousser tous ceux qui le peuvent, même les plus réticents à se convertir au télétravail»1. Avec le discours ambiant voulant qu’on puisse trouver «une certaine paix d’esprit avec le confinement et le télétravail»2 et que celui-ci permette «un beat plus sain», aussi bien dire que pour quiconque s’y opposera, «on le forcera d’être libre»3.
Du privilège d’être en confinement
Bien entendu, plusieurs collègues y ont trouvé leur compte. Leur satisfaction concerne principalement la possibilité de pouvoir éviter le temps de transport, source de stress au quotidien. Des collègues qui devaient habituellement se taper chaque jour entre deux et quatre heures de transport en commun ont dit voir une amélioration considérable de leur qualité de vie, et il y a de quoi. Je suis moi-même de ceux pour qui arriver à l’heure le matin est un combat que je perds souvent.
«Je me lève à 5 heures, je prends le train de banlieue de 7 heures pour arriver au bureau à 8h30 et le soir j’arrive à 18h30 brûlée et ça recommence le lendemain… Donc plus la semaine avance, plus je suis fatiguée. Avec le télétravail, je suis prête à abattre des tonnes de documents et je suis tellement concentrée que j’en oublie parfois mes pauses et mon dîner!» — une collègue, 30 avril 2020
Effectivement, les heures comptées deviennent rapidement floues. On perd le fil du temps et on se concentre sur le résultat. Des études ont justement fait la démonstration que le télétravail engendre le surtravail4. Un rapport conjoint de l’Organisation internationale du Travail et de l’Eurofund pointe du doigt le «problème du travail supplémentaire réalisé grâce aux technologies de communication modernes, par exemple le travail additionnel à domicile qui peut être considéré comme des heures supplémentaires non rémunérées» ainsi que l’absence de «périodes de repos afin d’éviter les effets délétères sur la santé et le bien-être des travailleurs»5. La culpabilité intériorisée fondée sur un sentiment de privilège de pouvoir travailler à la maison6 fait en sorte qu’on finit par travailler beaucoup plus et plus longtemps que ce qui est déclaré. Ainsi, les heures de transport épargnées sont remplacées par des heures travaillées7. Jumelé à l’isolement, qui augmente le sentiment de stress et qui diminue la possibilité du recours aux collègues pour se rassurer et décompresser, le surtravail serait donc source d’épuisement professionnel8. Après seulement deux semaines de télétravail, au moins 40 % de mes collègues ressentaient cet isolement9 et 37 % vivaient une augmentation de leur niveau de stress10.
Ce sentiment de culpabilité a évidemment été amplifié en temps de crise sanitaire, non sans raison. La situation a provoqué une prise de conscience du privilège que représentait la possibilité de travailler à domicile en comparaison à toutes celles et ceux qui devaient continuer à se rendre au travail, principalement dans les secteurs de la santé, de l’alimentation et du transport. La fermeture de près de 50 % de l’économie a mis à nu la division sexuelle et raciale du travail et la structure de classe qui exposent à la contamination toutes celles et ceux sur qui reposent les services essentiels à la reproduction11. Cette culpabilité a également été amplifiée par les mises à pied massives dans de nombreux secteurs, touchant majoritairement des travailleuses. En avril le taux de chômage au Québec avait même atteint 17 %12.
«Se plaindre d’avoir du télétravail quand il y en a qui n’ont même pas cette option et doivent se rendre au travail à tous les jours. Il y a du monde qui n’ont plus de travail et qui n’arrivent pas à avoir leur prestation. Après la population dit que les fonctionnaires sont gâté·e·s.» — une autre collègue, 30 avril 2020.
Dans un groupe de discussion syndical, j’ai également lu quelqu’un avancer que le travail à distance permettait plus de flexibilité pour s’occuper des tâches domestiques et pour passer du temps avec la famille. Bien sûr, en temps de confinement, ce n’est pas tellement fonctionnel, en témoignent les cris d’enfants que j’entends quand je parle au téléphone avec les collègues. Mais de manière générale cette flexibilisation présente un avantage bien réel pour conjuguer le travail salarié avec le travail domestique et les soins qui, en temps normal, présente une situation trop souvent intenable13.
On le sait depuis longtemps, le travail non rémunéré dans le foyer est source de plus-value pour le capital. Nombreuses tâches de soins et d’éducation des proches nécessaires à la reproduction de la force de travail sont exécutées gratuitement et permettent aux capitalistes de faire du profit en exploitant les travailleuses et les travailleurs sans devoir payer tout ce qu’il en coûte pour les rendre aptes à travailler. Bien sûr, quand les femmes ont investi massivement le marché du travail, la donne a un peu changé, et l’État a mis en place ou financé des services pour compenser. Mais progressivement, ces services ont été réduits alors que le capitalisme connaissait des crises récurrentes, permettant aux entreprises privées de développer de nouveaux marchés14. Au Québec, on connaît ces coupures successives dans les services publics sous les noms de «déficit zéro», de «virage ambulatoire», de «réingénierie de l’État», de «rigueur budgétaire» ou d’«austérité».
Si des familles plus aisées de la classe moyennes ont pu recourir à des services privés ou à l’embauche directe pour prendre en charge le travail ménager et les soins aux personnes à charge (enfants, aînées, personnes avec un handicap, ce qui implique généralement de payer des femmes et minorités de genre migrantes), la pression à la baisse sur les salaires depuis une quarantaine d’années a plutôt rendu à la limite du supportable les situations de double ou triple journée de travail. Les nombreuses coupures dans les soins ont également laissé à elles-mêmes bon nombre de personnes en situation de détresse psychologique ou ayant des conditions médicalisées qui rendent régulièrement inapte au travail. Des collègues notaient d’ailleurs la difficulté psychologique qu’implique pour elles le simple fait de se rendre physiquement au travail, de devoir s’arranger le matin, d’être confrontées aux collègues et à la clientèle, de devoir se composer un visage, sinon souriant, du moins motivé.
«La socialisation n’est pas faite pour tous. Certaines personnes sont extraverties et en ont besoin, je le sais, mais pour d’autres, plus introverties, les conversations en bruit de fond, les interruptions constantes, la socialisation “forcée”, le brouhaha de l’heure de pointe, sont sources de souffrance et ont même causé des arrêts-maladie.» — une collègue, 20 mai 2020
La proche-aidance pour pallier les carences des services de santé s’est ajoutée à la charge de travail familiale et domestique, particulièrement en contexte de vieillissement de la population. On a vu dans les CHSLD durant la pandémie à quel point le travail des proches est vital pour assurer des soins décents. Bon nombre de patient·e·s ont dû vivre (et pour certaines et certains mourir!) dans des conditions horribles durant la période où l’accès aux centres a été interdit aux familles. Dans ce contexte d’explosion du travail gratuit dans les temps hors-travail salarié, il n’est donc pas surprenant que les gens aient tendance à désirer plus de flexibilité pour organiser tout ça.
La main-d’oeuvre en mal d’improductivité
Les employeurs, pour leur part, désirent l’implantation du travail à distance pour réduire leurs dépenses dans les ressources matérielles et humaines. Il leur permet de diminuer la superficie des locaux et de les relocaliser dans des immeubles moins coûteux en taxes et en loyer, hors des centre-villes, voire des grands centres. Mais aussi d’abaisser les coût d’équipement. Ainsi, plusieurs de mes collègues n’ont pas tort de se plaindre à l’effet que l’employeur leur transfère des frais :
«Intéressant si l’employeur paye les frais requis qu’il doit payer tel les frais de papeterie, frais d’Internet câblé, chaise ergonomique, ligne téléphonique (fixe ou cellulaire), ordinateur de l’employeur, frais de déplacement si applicable, frais de postes et autres frais connexes… Aussi l’employeur doit garantir une excellente connexion internet (VPN), ce qui est souvent un problème actuellement avec mon employeur.» — un collègue, 30 avril 2020
Puis, il y a la santé physique : une collègue, qui avait commencé le télétravail depuis un an, soulignait avoir mal à l’épaule depuis un bout à cause de la manière dont elle est installée pour travailler, comme moi, à la table de cuisine. Or, si les responsabilités de l’employeur sont inscrites à la convention collective dans les milieux de travail syndiqués, les règles demeurent floues lorsqu’il est question du télétravail15. Ainsi, lorsque l’employeur réduit ses coûts, ils ne disparaissent pas pour autant: ils sont simplement transférés au personnel qui travaille à domicile.
En plus de tout cela, l’employeur s’attaque aussi au temps mort, à l’improductivité, de manière à extraire (ou à extorquer) davantage de travail de la main-d’oeuvre. Le contexte de surcharge dans la conciliation du travail salarié et du travail de reproduction16 jumelé à la réorganisation managériale constante selon des modèles tayloristes génèrent beaucoup d’absences au travail17. Celles-ci constituent même des actes de résistance individuelle face au manque de valorisation ou à des changements dans l’organisation du travail, pour marquer une rupture du consentement dans des milieux où le conflit entre les salarié·e·s et l’employeur ne s’exprime pas de manière ouverte18. En 2018, l’absentéisme au Québec représentait environ 7 % du temps de travail, un chiffre comparable à ce qu’on observe ailleurs dans le monde. Les coûts de remplacement d’une personne salariée seraient de deux à trois fois supérieurs au salaire quotidien de celle-ci19. Les boss préfèrent ainsi qu’une employée travaille quelques heures chez elle, parce qu’elle est malade ou occupée à des obligations familiales, même si cela implique moins de productivité de sa part. Au final, ça lui revient moins cher qu’un congé de maladie.
«Moi ce qui m’écoeure c’est de recevoir des courriels de mon employeur qui se pète les bretelles en disant qu’une grande majorité de ses employés travaillent à distance alors que j’ai pas la technologie chez moi pour le faire. Je sais pas si mon unité administrative va avoir une cote pour mettre le monde au télétravail ou s’il a besoin de se faire dire qu’il est bon??? Mais plusieurs de mes collègues ne sont pas en mesure de faire du télétravail et on reçoit de la pression même si on peut pas.» — un collègue, 1er avril 2020
Or l’improductivité fait également partie intégrante du milieu de travail. La chroniqueuse, Géraldine Mosna-Savoye, a fait remarquer à la radio que ce qui lui a manqué le plus durant le confinement, ce sont tous ces petits moments d’improductivité qui parsèment une journée normale de travail20. Small talk dans le couloir ou devant la machine à café, blagues en attendant qu’une réunion commence ou durant l’exécution d’une tâche en équipe, confidences durant les tours du bloc ou pauses cigarettes entre collègues pour décompresser : des moments insignifiants en apparence alors qu’ils représentent les conditions propices à ce que se développe un rapport de communauté entre les collègues et, par le fait même, des occasions pour discuter de nos conditions de travail, pour comploter sur les moyens de pression à entreprendre et, plus généralement, pour aspirer à mieux.
«À la maison, nous n’avons pas tous les mêmes moyens financiers et/ou espace pour recréer un espace de travail adéquat. De plus, j’ai le privilège d’adorer ma job et les gens avec qui je travaille. Pour moi c’est une perte sociale, une perte de sentiment d’appartenance.» — un collègue, 20 mai 2020
En effet, après seulement deux semaines de télétravail, près de 20 % de mes collègues notent une diminution de leur sentiment d’appartenance et plus de 30 % une diminution de la collaboration entre collègues21. On dispose, bien sûr, de moyens de communication efficaces pour demeurer en contact avec les collègues avec qui on a travaillé en personne et on a désormais assez de pratique avec l’utilisation des plateformes de visioconférence pour continuer l’organisation d’assemblées et de rencontres de mobilisation. À moyen terme, cependant, on peut s’imaginer que le développement de liens avec les nouvelles recrues sera beaucoup moins évident, ce qui peut progressivement provoquer l’éclatement complet du collectif de travail, déjà mal en point, et avoir des conséquences désastreuses sur nos conditions de travail. Comment compter sur des collègues pour faire pression sur l’employeur ou respecter une décision collective de faire la grève quand on ne les connaît tout simplement pas?
À ce sujet, Natacha Ordioni avançait déjà il y a une vingtaine d’années qu’en
«favorisant un repli périodique de type individualiste, le télétravail isole du collectif de travail et porte en germe une logique commerciale contractuelle qui menace de supplanter le droit du travail, d’autant que les diverses tentatives pour le réglementer sont limitées par le nouveau contexte de la concurrence entre États, soucieux d’attirer de l’emploi. Dans cette perspective, le travail à domicile et à distance peut favoriser la disparition progressive des législations nationales du travail et générer de nouveaux champs d’exclusion dans la répartition des tâches mondiales»22.
Plus récemment, Silvia Federici a abondé dans le même sens en avançant que le travail à domicile contribue à exercer une pression à la baisse sur les salaires et autres conditions de travail en empêchant l’organisation collective :
«la gratuité des tâches ménagères draine inexorablement le travail dans l’espace familial, car en le réorganisant à l’intérieur de ce cadre où il devient invisible les employeurs peuvent sans mal déjouer les tentatives de syndicalisation et tirer les salaires vers le bas. Bien des femmes choisissent de travailler chez elles pour essayer de concilier la nécessité de gagner leur vie avec leurs obligations familiales; au final, elles se retrouvent asservies à un travail dont le niveau de rémunération, “très inférieur au salaire moyen auquel il serait payé s’il se déroulait dans des conditions formelles, […] reproduit une division sexuelle du travail qui astreint encore plus les femmes aux tâches domestiques”»23.
Suivant la recommandation de l’Organisation internationale du travail, les employeurs tendent à imposer une alternance : deux à trois jours de présence et deux à trois jours à distance24. Cependant, la tendance est aussi à la dépersonnalisation des espaces de travail (des bureaux qui ne sont plus attitrés) et à ne pas fixer de jours où l’ensemble du personnel y est en même temps, ce qui empêche par exemple la tenue d’assemblées en personne sur l’heure du dîner. À ce sujet, l’économiste Pierre-Yves Gomez remarque que
« le déploiement du télétravail mais surtout l’anonymisation des espaces de travail collectifs vont accentuer l’individualisation des tâches et l’individualisme des travailleurs. Chacun chez soi, en tout cas pour ceux qui peuvent télétravailler, chacun se gère, s’autonomise au mieux. Et quand on se rend dans l’entreprise, on est reçu comme un collaborateur de passage dont la place est interchangeable ou effaçable»25.
Ainsi, en plus de réduire les frais immobiliers et d’équipement, la mise en place du télétravail favorise la réduction des coûts de la main-d’oeuvre sans qu’on puisse efficacement protester et résister. Qui plus est, en isolant certaines activités qui peuvent être externalisées, un employeur peut se passer d’une partie du personnel en sous-traitant ses tâches à la pièce à des travailleuses et travailleurs autonomes ou via à des agences de téléservices, remplaçant ainsi des frais fixes (salaires réguliers) par des frais variables (salaire aux pièces)26 qui constituent, selon Marx, «une source extrêmement abondante de prélèvements sur le salaire et d’escroqueries capitalistes»27.
Il ne faut pas non plus oublier l’économie sur les salaires des équipes d’entretien, généralement déjà en sous-traitance, quand le personnel salit chez soi plutôt qu’au bureau. À voir l’état de ma cuisine se détériorer à force d’y travailler à la semaine longue, difficile de ne pas prendre conscience du travail invisible colossal exécuté par les équipes d’entretien après mes heures de travail, évidemment encore une fois par des personnes migrantes ou racisées.
Dans le même sens, on peut s’attendre à une nouvelle vague de délocalisations de nombreux emplois, comme on les a connues du côté du service à la clientèle dans les centres d’appels pendant la décennie précédente. En ce qui concerne la fonction publique du Québec, le gouvernement a annoncé que le télétravail aiderait à relocaliser quelques 5 000 fonctionnaires, une déclaration qui est survenue deux semaines après qu’on ait appris la mise à pied d’environ 12 000 membres du personnel (et à laquelle l’employeur a renoncé un mois plus tard… pour le moment). On se doute que les employeurs ne vont pas se passer d’une grosse partie de leur personnel, mais qu’ils vont plutôt profiter de la situation pour le remplacer par une main-d’oeuvre plus flexible, et prête à travailler dans de moins bonnes conditions.
En rendant beaucoup plus difficile la possibilité de former une communauté de lutte au sein du milieu de travail, cette opération de démantèlement du collectif de travail est une tentative d’anéantissement de ses capacités d’organisation. La réduction du revenu et la détérioration de nos conditions de travail qui en résultent sont, quant à elles, des attaques directes à notre autonomie : elle rend la possibilité d’exercer des activités émancipatrices à l’extérieur du travail dépendante de l’employeur. Et cette façon de faire est possible parce que le système capitaliste a la capacité d’étendre son emprise sur les espaces qu’on aménage pour des fins improductives, en le convertissant en espace de travail directement ou indirectement productif28.
Une chambre qui n’est plus à soi
En plus de faire partie d’une communauté de lutte pour prendre acte de ce qui nous opprime, confronter des idées et se donner les moyens de se réapproprier nos vies, il est impératif pour toute démarche de disposer d’espace pour lire, réfléchir, formuler des idées, dans sa tête ou à l’écrit. Qu’il soit individuel ou collectif, cet espace est, comme ressource émancipatrice ou libératrice, nécessaire, une chambre à soi libre des préoccupations familiales ou professionnelles.
Il y a un près d’un siècle, Virginia Woolf réfléchit aux raisons pour lesquelles il n’y a presque pas d’écrivaines dans l’histoire de la littérature, en se concentrant sur les conditions matérielles nécessaires à l’écriture. En partant de sa propre expérience, elle en vient à identifier deux conditions : une rente de 500 £ héritée de sa tante et une chambre à soi (ou un lieu à soi) qu’on peut fermer à clé pour s’extraire des responsabilités familiales29. À la fin de son essai, elle en fait même l’objet d’une lutte politique pour le siècle à venir, visant l’émancipation des femmes : «La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. La poésie dépend de la liberté intellectuelle»30. Pour elle, l’écriture, et donc l’émancipation, nécessitent ces conditions matérielles qui permettent de «voir les êtres humains non plus toujours en relation les uns aux autres, mais en relation avec la réalité».
Françoise Denevert, sous le pseudonyme de Jeanne Charles, va dans le même sens en parlant des femmes qui évitent de produire de la théorie, ne partageant leurs réflexions qu’en privé, se privant ainsi d’avoir une influence directe sur leur entourage et les milieux radicaux qu’elles fréquentent :
«Car la théorie, c’est la critique de la vie quotidienne; c’est l’opération de chaque individu qu’il mène dans cette vie quotidienne; c’est une suite d’interventions renouvelées et corrigées sur les rapports avec les gens (qui sont aussi le lieu d’efficacité de l’aliénation) et, ce qui est la même chose, c’est aussi une série d’interventions sur la société. La théorie est une entreprise de transformation révolutionnaire qui implique que l’individu théoricien accepte lui-même sa propre transformation ininterrompue. La théorie repose donc sur la compréhension et l’action sur les blocages (des individus et de l’histoire sociale)»31.
L’écriture et la recherche font en effet partie intégrante de l’activité politique pour qui aspire au dépassement du statu quo, sans laquelle la pratique est aveugle32. On se complaît à dire dans beaucoup de milieux qu’il s’agit d’une conception élitiste de l’activité révolutionnaire, mais en ne contribuant pas soi-même à la théorie, on laisse cette activité entre les mains des partis et syndicats ou, plus généralement, des intellectuel·le·s professionnel·le·s de gauche, qui sont imprégnés de leurs intérêts propres, que leurs textes soient signés ou pas. J’entends par là celles et ceux que Nicole Laurin classait dans la catégorie de la gauche par profession, les intellectuel·le·s de carrière qui, malgré leurs déclarations de principes de gauche, profitent assez bien de l’ordre établi et n’en sont pas aussi profondément insatisfait·e·s que leurs discours et critiques pourraient le laisser supposer33. «Les mots, par quelque biais qu’on les prenne, semblent toujours être affaire de bourgeois. C’est vrai», disait Tronti. «Quand on est dans une société ennemie, on n’a pas la liberté de choisir les moyens de la combattre. Et les armes, qui ont servi dans les révoltes des prolétaires, ont toujours été prises dans les arsenaux des patrons.34»
Reprenant les idées de Woolf dans l’optique de défendre la revendication d’un revenu minimum garanti, Antonella Corsani s’est demandée quelles sont les conditions nécessaires pour l’émergence de multiples récits du monde35. Mais en concentrant son attention sur le revenu décent pour se libérer du temps et des inquiétudes, elle laisse de côté l’élément important qu’est un espace de travail (elle a d’ailleurs horreur du terme pour désigner cette activité émancipatrice) nécessaire pour l’écriture. L’espace de travail que j’utilise le plus souvent pour formuler mes idées, c’est la table de ma cuisine, tard en soirée lorsque le quartier est endormi. J’aurais un tout autre rapport à cette pièce si j’avais des enfants à nourrir, puisqu’elle serait intimement associée à ce travail. Je voudrais m’extraire de la cuisine pour penser au delà de mes obligations quotidiennes. Je ne peux d’ailleurs éviter de penser au sarcasme des scénaristes des Simpson lorsque le personnage de Marge dit que «quand Virginia Woolf a écrit qu’une femme doit avoir une pièce pour elle seule, elle parlait sans aucun doute de la cuisine36».
Bref, c’est exactement de cette chambre à soi dont le télétravail vient me déposséder de manière à l’incorporer à la sphère de la production, à la mettre au service de mon employeur. Ce lieu à soi qu’on réussit de peine et de misère à aménager pour écrire ses réflexions à l’extérieur des heures salariées. J’ai eu tellement de mal à écrire le présent texte depuis que la table de la cuisine est devenue mon espace de travail, cela m’a pris des mois pour l’achever. Autrefois, cet espace constituait un refuge qui permettait une activité intellectuelle plus libre, un lieu séparé du lieu d’exploitation qu’est le bureau où je travaille, que je pouvais quitter à la fin de la journée en pensant à autre chose.
Le télétravail brouille et rend encore plus poreuse la frontière entre travail et hors travail37. Melissa Gregg utilise l’expression presence bleed pour référer à la possibilité donnée par la prolifération des technologies de communication d’être plus flexible quant à ses rôles et responsabilités professionnels et personnels en les remplissant à tout moment, quel que soit l’espace physique dans lequel on se trouve38. Ainsi, on peut être présent.e au travail en étant chez soi. Reprenant cette idée, Elise Thorburn avance que ce phénomène obscurcit la quantité de travail que demandent les technologies du travail, comme l’ordinateur, le téléphone cellulaire, les logiciels spécialisés. En termes de surexploitation, des travailleuses et travailleurs en Chine disaient que, pendant le confinement en télétravail, ils sont passés de 9-9-6 à 0-0-7, c’est-à-dire d’un horaire de neuf heures jusqu’à vingt-et-une heures, six jours sur sept, à un horaire de minuit jusqu’à minuit sept jours sur sept parce que la direction augmentait de façon draconienne la pression, à l’aide d’outils de surveillance numérique39. Ainsi l’employeur et, plus largement, le capital dépossède de cet espace de réflexion et d’écriture afin de faire travailler davantage à moindre coût.
Cela peut paraître paradoxal parce qu’au départ, le travail à domicile, loin d’être une forme nouvelle d’organisation du travail, a tendu à disparaître justement en raison de son improductivité. En effet, avant le développement de la grande industrie au milieu du XIXe siècle, la maisonnée était le lieu de production manufacturière et la famille une unité de production de base. Dans l’industrie du textile par exemple, il était courant en France et en Angleterre que des couturières travaillent à la maison40. C’est dans l’optique d’augmenter la productivité que les employeurs ont créé les milieux de travail. En regroupant les ouvriers ou les ouvrières en un même endroit, on pouvait les soumettre à une surveillance directe et limiter les gestes qui diminuaient la productivité. L’espace de travail constituait ainsi un appareil de contrôle intense et continu41, contrôle qui s’est de plus en plus accentué avec l’organisation tayloriste du travail (qu’on prétend «scientifique»), avec pour aboutissement la chaîne de montage. Les principes de cette chaîne de montage ont eu leur prolongation dans le domaine des services avec l’implantation de la méthode Toyota (ou le Lean) dans les bureaux, les hôpitaux, les bibliothèques, etc.
Si le travail à domicile a presque disparu de certains secteurs au courant du XXe siècle, il n’a pas fallu attendre le concept de télétravail dans les années 1970 pour le voir réapparaître. Dans les faits, on le trouve dans la chaîne de production des entreprises capitalistes à toutes les époques, dans tous les pays et dans tous les secteurs d’activité42. Mais il a fallu attendre l’arrivée dans les foyers des ordinateurs personnels, de l’Internet, des téléphones cellulaires dans les années 1990 et 2000 pour son redéploiement à plus grande échelle. À l’image de qui pouvait se le permettre, le télétravail est au départ demeuré très masculin et réservé à des fonctions de cadres ou de professionnels. On qualifie généralement ces tâches comme nécessitant un haut niveau d’autonomie, d’autodiscipline et même d’adhésion propre au nouvel esprit du capitalisme, parce qu’elles échappent à la surveillance directe.
Sauf qu’avec l’arrivée des technologies de communication plus sophistiquées et accessibles, et avec l’omniprésence des moyens de communication dans nos vies au cours de la dernière décennie, la surveillance devient elle aussi portable. Le panoptisme dont parle Michel Foucault43, selon lequel les employé·e·s comme les prisonnier·ère·s sentent qu’elles et ils peuvent être surveillé·e·s à tout moment, et qui avait justifié la mise en place des milieux de travail pour augmenter la productivité, peut désormais être organisé à distance de manière efficace. Il existe d’ailleurs des applications de gestion du télétravail qui enregistrent le moment de connection, le nombre d’heures à taper, des captures d’écran régulières et même des photos prises via la webcam. Elles calculent même une cote de productivité44. Dans certains milieux de travail, cela prend aussi la forme d’une application qui indique en permanence si l’ordinateur est actif ou non, et fait office de pointeuse comme on en trouve à l’entrée des usines. Vient également l’exigence d’un rapport quotidien des activités accomplies.
Ainsi, chaque geste et chaque temps mort peut être noté avec précision comme sur une chaîne de montage45. L’appareil de surveillance directe existe toujours sans que le personnel soit concentré dans un même espace physique. Et l’impression de pouvoir être contrôlé·e et discipliné·e à tout moment demeure. Selon des données collectées par mon syndicat, près du tiers de mes collègues considèrent même que leur autonomie professionnelle a diminué en cette période de télétravail forcé par la pandémie, en raison du contrôle obsessif exercé par leurs gestionnaires46. En ce sens, le discours selon lequel le télétravail permettrait une plus grande autonomie apparaît sous son vrai jour : une publicité trompeuse. C’est aussi ce qu’en pense Antonio Casilli :
«La promesse d’une plus grande maîtrise individuelle, de plus d’autonomie afin de gérer les différents temps et les différents espaces, entre vie privée et travail, cette promesse offerte par l’évolution de la technologie, n’est pas au rendez-vous. Ce que je constate ne correspond pas à cette vision optimiste et apaisée. S’il y a un tournant, il se concrétise plutôt dans la généralisation d’un travail de la micro-tâche effectuée à distance»47.
La platitude dystopique
Le télétravail bénéficie pour l’instant d’un bon support. Certain·e·s le considèrent même comme une concession des employeurs en réponse à l’absentéisme en période de crise, à défaut d’offrir une meilleure rémunération48. Il s’agirait, en ce sens, d’une demande des employé·e·s motivée par «la volonté de s’affranchir d’une ambiance de travail minée par la modernisation managériale» afin de pouvoir souffler un peu face à la «dégradation des relations humaines» en milieu de travail.
Mais le télétravail se heurte simultanément à une résistance non négligeable. Les résultats d’un sondage réalisé par mon syndicat en plein coeur du confinement indiquent que 25% de mes collègues éviteraient le télétravail si elles et ils en avaient le choix. Un quart des collègues, c’est ce qu’on appelle une masse critique avec laquelle on peut envisager s’organiser. Cela explique peut-être en partie pourquoi quelque 1 400 de mes collègues se sont porté·e·s volontaires lorsque le gouvernement a lancé un appel au renfort dans le secteur de la santé, prêt·e·s à s’exposer à la contamination pour se sentir utiles plutôt que de rester à la maison49. Cette résistance est d’autant plus à considérer que la satisfaction vis-à-vis du travail à domicile risque de s’estomper une fois la crise sanitaire terminée50.
On pourra à ce moment-là mieux évaluer les dommages en termes de capacité d’organisation. À savoir que le télétravail permet à l’employeur d’attaquer les possibilités de mener une activité politique autonome dans les milieux de travail, autant sur le plan pratique, en faisant éclater le collectif de travail, que sur le plan théorique, en s’accaparant et en détournant l’espace nécessaire à l’écriture, pour extraire un maximum de plus value. Tout cela pour nous faire travailler davantage et rien d’autre, à moins que cela ne soit pour nous rendre aptes à retravailler le lendemain. On reconnaît assez bien ce processus de désocialisation dans l’histoire du capitalisme dont parlaient les opéraïstes italiens durant les années 1960, à travers laquelle «le travailleur doit devenir une figure socialement et subjectivement vide, pure force-travail, qui n’a d’autre identité que celle qui lui vient de son statut de rouage de l’organisation capitaliste de la production»51. Ce processus inclut à la fois le démantèlement du collectif du travail, mais aussi l’accaparement du domicile et son encastrement dans la chaîne de montage à l’aide, notamment, des moyens de communication, faisant partie de ce que Tronti appelait l’usine sociale :
«Au niveau le plus élevé du développement capitaliste le rapport social devient un moment du rapport de production, et la société tout entière devient une articulation de la production, à savoir que toute la société vit en fonction de l’usine, et l’usine étend sa domination exclusive sur toute la société»52.
Les moyens de communication qui ont permis la mise en place du télétravail à si grande échelle sont eux-mêmes des sites de reproduction sociale qui fournissent les moyens à l’usine sociale de s’élargir53. À la lumière de cette analyse, il est difficile de partager l’enthousiasme utopique de celles et ceux qui croient en une vie réjouissante après la pandémie. Il n’est pas nécessaire cependant de tomber dans le pessimisme dystopique orwellien54. Dans les faits, cette dystopie existe de longue date et n’empêche pas la résistance. Elle est la platitude du quotidien depuis des décennies qui pointe vers l’horizon de l’utopie du capital, celle de l’esprit libéré des contraintes du corps et du travail qui serait à lui-même sa propre récompense55. Et, même si en travaillant de concert, les industries du divertissement et de la surveillance donnent l’impression d’une impossibilité de résistance et de révolte, ou du développement d’une conscience révolutionnaire, on vient tout de même de passer une décennie riche en protestations à l’échelle planétaire.
Le confinement à domicile constitue d’ailleurs une utopie douteuse. Le foyer est loin d’être un espace sécuritaire pour tout le monde; il n’est pas l’abri que l’on prétend. Il s’agit au contraire du lieu où la majorité des violences se produisent et ce, partout sur la planète. Sophie Lewis avance très justement que la contrainte de demeurer à domicile aggrave la situation : «Le confinement, c’est le rêve des agresseurs : une situation qui donne un pouvoir quasi illimité à ceux qui ont le dessus dans le foyer»56. Je peux aisément m’imaginer que bon nombre de mes collègues en télétravail, très majoritairement des femmes, ont connu des situations de violence. Après seulement quelques semaines de confinement, les maisons d’hébergement sonnaient l’alarme sur les difficultés d’appeler à l’aide pour les femmes sous surveillance constante de leur conjoint57. Lewis ajoute qu’en Chine, où la crise sanitaire a débuté quelques mois auparavant, les violences domestiques auraient triplé dans tout le pays. Même en l’absence de violence et de menace aussi directes, le foyer demeure un lieu d’exploitation et de contrôle sur lequel repose toute la société capitaliste. La question du travail domestique est centrale dans les études récentes sur le télétravail.
En ce qui a trait à l’organisation en milieu de travail, des employé·e·s hyperatomisé·e·s d’Uber ou de Deliveroo ont réussi à se syndiquer, à organiser des grèves et même à gagner la reconnaissance de certains droits, en utilisant les plateformes de communication mises en place par leurs employeurs. Il se développe également des expérimentations de plateforme d’organisation comme UnionBase et Coworker.org58. Il est donc clair que les difficultés d’organisation et le recul des conditions de travail et de la vie en général connaîtront des réponses à force d’expérimentations résultant d’un paquet d’échecs et de réussites.
Depuis les origines du capitalisme, les technologies ont été utilisées par la classe dominante pour que la main-d’oeuvre perde le contrôle sur son travail et ainsi perdre en rapport de force vis-à-vis du capital. Il s’agit d’une stratégie politique de ce dernier pour conserver le contrôle sur le travail et sur la société dans son ensemble. Cela n’a pas empêché la résistance et la révolte de se réinventer et de faire éclater des conflits d’envergure, parfois des révolutions. Ainsi, si la dystopie est un cauchemar, c’est le cauchemar de la platitude quotidienne composée de multiples violences qui progressent à une vitesse flamboyante et qui tend à faire de nous «une gang de tu-seuls»59, ensemble ou séparé·e·s. La priorité est à gagner du temps pour se réorganiser. C’est pour cette raison qu’il importe d’opérer des blocages, quelle que soit la position qu’on occupe dans la chaîne de montage de l’usine sociale.
NOTES
1. Marc-André Gagnon, «Déconfinement graduel: la fonction publique transformée à jamais grâce au télétravail», Journal de Québec, 30 avril 2020. ↩
2. Edouard Ampuy, «Quand travailler de la maison fait du bien à la santé mentale», Urbania, 29 avril 2020. ↩
3. Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social. ↩
4. Émilie Vayre, «Les incidences du télétravail sur le travailleur dans les domaines professionnel, familial et social», Le travail humain, 2019, Vol. 82. ↩
5. OIT et Eurofound, Working anytime, anywhere: The effects on the world of work, Genève : ILO, 2017. ↩
6. Jean-Luc Metzger et Olivier Cléach, « Le télétravail des cadres : entre suractivité et apprentissage de nouvelles temporalités », Sociologie du travail, Vol. 46 – n° 4, octobre-décembre 2004. ↩
7. Émilie Vayre, «Les incidences du télétravail sur le travailleur dans les domaines professionnel, familial et social», Le travail humain, 2019, Vol. 82. ↩
8. Shruti R. Sardeshmukh, Dheeraj Sharma, Timothy D. Golden, «Impact of telework on exhaustion and job engagement: a job demands and job resources model», New technology, Work and Employment, vol. 27-3, november 2012. ↩
9. Catherine Bouchard, «COVID-19: le télétravail précipité entraîne plusieurs conséquences négatives, selon le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec», Journal de Québec, 31 mars 2020. ↩
10. Patrice Bergeron, «Le télétravail génère du stress chez les employés de l’État», La Presse, 31 mars 2020 ↩
11. Françoise Vergès, «Le travail invisible derrière le confinement : capitalisme, genre, racialisation et Covid-19», Contretemps, mars 2020. ↩
12. Éric Desrosiers, «Le taux de chômage atteint 17% au Québec», Le Devoir, 9 mai 2020. ↩
13. D’ailleurs, selon le sondage de l’observatoire des touts-petits au Québec (financé par Chagnon), 48 % des parents réalisent des tâches professionnelles à l’extérieur de leur horaire de travail habituel. Voir Etienne Plamondon Emond, «Les parents sont stressés, malgré les mesures disponibles», Le Devoir, 12 mai 2018. ↩
14. À ce sujet, voir Aurore Koechlin, La révolution féministe, Parie : Amsterdam, 2019. ↩
15. Voir les propos de Stéphanie Bernstein dans Manon Cornellier, «Les travailleurs peuvent-ils en sortir gagnants du télétravail?», Le Devoir, 20 juin 2020. ↩
16. Arnaud Scaillerez et Diane-Gabrielle Tremblay, «Le télétravail, comme nouveau mode de régulation de la flexibilisation et de l’organisation du travail : analyse et impact du cadre légal européen et nord-américain», Revue de l’organisation responsable, 2016. Vol. 11, p. 21 à 31. ↩
17. Gregor Bouville, «Les effets de la lean production sur les tms et les arrêts maladie», Travailler, no. 29, 2013. ↩
18. Lucie Goussard, «Le consentement limité au travail», Tracés, no. 14, 2008. ↩
19. Roland Foucher, «Intervenir sur l’absence au travail pour améliorer la santé des individus et de l’organisation : une approche contingente basée sur des résultats de recherche», Humain et organisation, vol. 5, no. 2, 2019. ↩
20. Géraldine Mosna-Savoye, «Le blabla du bureau», Le journal de la philo, France Culture, 12 mai 2020. ↩
21. Catherine Bouchard, «COVID-19: le télétravail précipité entraîne plusieurs conséquences négatives, selon le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec», Journal de Québec, 31 mars 2020. ↩
22. Natacha Ordioni, «Le développement du télétravail en Europe à la lumière de l’analyse marxiste», Syndicalisme et société, 2001, Vol.4 (1), p. 105-120. ↩
23. Silvia Federici, Point zéro : propagation de la révolution : salaire ménager, reproduction sociale, combat féministe, Paris : Ixe, 2016, p. 172. ↩
24. ILO, Working anytime, anywhere: The effects on the world of work, 2017. ↩
25. Pierre-Yves Gomez, «L’époque que nous traversons a rendu au travail réel une présence qu’il avait perdue», Le comptoir, juillet 2020. ↩
26. Natacha Ordioni, «Le développement du télétravail en Europe à la lumière de l’analyse marxiste», Syndicalisme et société, 2001, Vol.4 (1), p. 105-120. ↩
27. Karl Marx, Le Capital. Livre I, Paris, Presses universitaires de France, 1993, p. 619. ↩
28. Jared Sacks, «Repenser la plus-value, recentrer les luttes au sein de la sphère de la reproduction», Ouvrage, septembre 2020. ↩
29. Virginia Woolf, Une chambre à soi, Paris : 10/18, 2001. Voir aussi la traduction la plus récente de Marie Darrieussecq, Un lieu à soi, Paris : Gallimard, 2016. ↩
30. Virginia Woolf, Une chambre à soi, Paris : 10/18, 2001. Voir aussi la traduction la plus récente de Marie Darrieussecq, Un lieu à soi, Paris : Gallimard, 2016.↩
31. Jeanne Charles (Françoise Denevert), «La critique ad mulierem», Chronique des secrets publics, Paris : Centre de recherche sur la question sociale, 1975. ↩
32. C’est Kant qui disait que la théorie est absurde sans la pratique et la pratique est aveugle sans la théorie. ↩33. Propos de la théoricienne féministe et anarchiste, Nicole Laurin-Frenette, à l’émission Noir sur blanc sous le thème «Une définition de la gauche», Radio-Canada, 9 février 1980. ↩
34. Mario Tronti, Ouvriers et capital, Genève : Entremonde, 2016, p. 26. ↩
35. Antonella Corsani, «Quelles sont les conditions nécessaires pour l’émergence de multiples récits du monde? : penser le revenu garanti à travers l’histoire des luttes des femmes et de la théorie féministe», Multitudes, 2006/4 no 27, p. 43 à 55. ↩
36. Les Simpson, saison 16, épisode 2, «Tous les goûts sont permis». ↩
37. Claudie Rey et Françoise Sitnikoff, «Télétravail à domicile et nouveaux rapports au travail», Revue Interventions économiques, 2006, no. 34. ↩
38. Melissa Gregg, «Presence bleed: performing professionalism online», dans Mark Banks, Rosalind Gill, Stephanie Taylor (ed.), Theorizing Cultural Work : Labour, Continuity and Change in the Cultural and Creative Industries, Londres : Routledge, 2013. ↩
39. Propos de Benoit Bohy-Bunel dans «Validisme et darwinisme social à l’ère du coronavirus», Sortir du capitalisme, 2020. ↩
40. Louise A. Tilly et Joan W. Scott, Les femmes, le travail et la famille, Paris : Rivage, 1987, p. 37. ↩
41. Claudie Rey et Françoise Sitnikoff, «Télétravail à domicile et nouveaux rapports au travail», Revue Interventions économiques, no. 34, 2006. ↩
42. Jamie Faricellia Dangler, Hidden in the Home : The Role of Waged Homework in the Modern World-Economy, Albany, NY : SUNY Press, 1994. On retrouve une traduction de cet extrait dans Stephanie Bernstein, Katherine Lippel et Lucie Lamarche, Les femmes et le travail à domicile : le cadre législatif canadien, Montréal : UQAM, 2001 ↩
43. Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris: Gallimard, 1975, p. 205 : «il court tout le long du processus de travail ; il ne porte pas – ou pas seulement – sur la production (nature, quantité de matières premières, type d’instruments utilisés, dimensions et qualités des produits), mais il prend en compte l’activité des hommes, leur savoir-faire, leur manière de s’y prendre, leur promptitude, leur zèle, leur conduite. Mais il est aussi autre chose que le contrôle domestique du maître, présent à côté des ouvriers et des apprentis ; car il est effectué par des commis, des surveillants, des contrôleurs et des contremaîtres. À mesure que l’appareil de production devient plus important et plus complexe, à mesure qu’augmentent le nombre des ouvriers et la division du travail, les tâches de contrôle se font plus nécessaires et plus difficiles. Surveiller devient alors une fonction définie, mais qui doit faire partie intégrante du processus de production ; elle doit le doubler sur toute sa longueur. Un personnel spécialisé devient indispensable, constamment présent, et distinct des ouvriers ». ↩
44. Adam Satariano, «How My Boss Monitors Me While I Work From Home», New York Times, 6 mai 2020. ↩
45. Il n’est d’ailleurs pas difficile de faire la comparaison avec la chaîne de montage lorsque des gestionnaire du privé et du public implantent la méthode Toyota dans les services administratifs pour augmenter la productivité. ↩
46. Patrice Bergeron, «Le télétravail génère du stress chez les employés de l’État», La Presse, 31 mars 2020. ↩
47. Raphaël Bourgeois, «Antonio Casilli : “Cette épidémie s’avère aussi un signal d’alarme à propos du numérique”», AOC, 11 juillet 2020. ↩
48. Arnaud Scaillerez et Diane-Gabrielle Tremblay, «Le télétravail, comme nouveau mode de régulation de la flexibilisation et de l’organisation du travail : analyse et impact du cadre légal européen et nord-américain», Revue de l’organisation responsable, 2016. Vol. 11, p. 21 à 31. ↩
49. Patrice Bergeron, «Les fonctionnaires répondent à l’appel du gouvernement», Le Devoir, 22 avril 2020. ↩
50. Danièle Linhart, «Le vrai risque du télétravail, c’est l’isolement social», Le 1 hebdo, no. 297, 20 mai 2020. ↩
51. Andrea Cavazzini, «La classe contre le peuple : Marxisme et populisme selon l’opéraïsme italien», Tumultes, no. 40, 2013, p. 268. ↩
52. Mario Tronti, Ouvriers et capital, Genève : Entremonde, 2016, p. 70. ↩
53. Elise Thorburn, «La reproduction sociale en réseau : crises dans le circuit intégré», Ouvrage, avril 2020. ↩
54. Gilbert Achcar expose bien l’opposition au sein de la gauche entre les pôles optimistes et pessimistes, utopiques et dystopiques, face à la pandémie dans «Auto-extinction du néolibéralisme ? N’y comptez point», Contretemps, juin 2020. ↩
55. Silvia Federici et George Caffentzis, «Revisiter les mormons dans l’espace », Par-delà les frontières du corps : Repenser, refaire et revendiquer le corps dans le capitalisme tardif, Montréal : Remue-ménage, 2020, p. 156. ↩
56. Sophie Lewis, «Le virus et la famille», Acta, avril 2020. ↩
57. Louis Gagné, «Les femmes violentée en mode survie», Radio-Canada, 18 avril 2020 ; Amélie Pineda, «Violence conjugale: dénoncer malgré le confinement de la COVID-19», Le Devoir, 20 mars 2020 ; Elsa Vecci, «Confinement: l’escalade des violences conjugales», Huffpost, 27 avril 2020. ↩
58. Seamus Bright Grayer et Enda Brophy, «Platform Organizing», Notes from below, 8 juin 2019. ↩
59. L’expression est tirée de la pièce À toi pour toujours, ta Marie-Lou, de Michel Tremblay . ↩